Honorez la mort comme la vie

La mort est encore pour plusieurs, un sujet tabou. On la voit bien souvent comme la fin de tout. Ceci étant dit, nous avons tout intérêt à prendre conscience que la mort est une étape sacrée de notre parcours de vie, car cette expérience est toute aussi importante que celle de la naissance et que toutes les autres étapes qui se situent entre les deux. Honorer la mort nous aide à l’apprivoiser et à donner un sens encore plus grand à notre existence.

La mort unit toutes les formes de vie, car tout ce qui vit, mourra un jour. Elle représente le point culminant de tout l’accomplissement d’un être au cours de son existence et peu importe l’âge à laquelle on y fait face, la mort est une étape importante, tant pour la personne qui quitte  le plan terrestre que pour ceux qui y demeurent. Il n’y a pas d’erreur ou de fin prématurée en regard du grand plan de la vie.

Il peut être réconfortant de croire que nous soyons destinés par notre passage sur terre à accomplir quelque chose et faire une différence. Il est vrai qu’au moment de la mort notre existence se poursuit; une parcelle de nous demeure vivante par les moments que nous avons partagés avec autrui, l’amour que nous avons semé. Chaque être humain a le potentiel de transmettre un savoir et de faire sa part dans le grand projet collectif qu’est l’humanité. Quand la mort se manifeste, le travail se poursuit par la contribution apportée.

La mort peut être vue comme une injustice et peut même parfois paraître cruelle, elle est pourtant une étape naturelle et inévitable sur notre chemin de vie.

Saluer ce qui a été, permet au moment de la mort d’une personne qui nous est chère, de garder le meilleur de son parcours. Nous pouvons ainsi être reconnaissants de l’avoir connu lors de son passage dans notre vie et poursuivre notre route avec plus de sérénité, chacun continuant son chemin dans des directions différentes. L’amour que nous avons pour la personne continu d’exister. Son âme, et les souvenirs qui sont liés à elle demeurent. En mettant  l’emphase sur cet héritage, on développe la conscience que cela restera toujours en nous, au-delà du temps.

La mort fait partie de la vie. Et, honorer la mort c’est célébrer la vie. Célébrer la vie, c’est accueillir la mort comme l’occasion d’un chemin qui se poursuit.

Principe élaboré dans le livre de Lise Marie Boudreau – « Congédiez vos gourous », publié en septembre 2017, Éditions Le Dauphin Blanc

 

 

L’aide médicale à mourir

Article paru dans le magazine web, « Le portail zen »
Juillet 2017

J’ai été pas mal bouleversée quand j’ai appris que la loi sur l’aide médicale à mourir avait été adoptée. Pas que je porte un jugement sur les gens qui souhaitent y avoir accès… c’est un choix beaucoup trop personnel et ce choix appartient à celui ou celle qui en fait la demande.

J’avoue que ce que je crains ce sont les abus et que cette façon de faire devienne normale pour terminer ses jours. Notre société est très expéditive et on veut tout, tout de suite, on ne veut pas attendre et on veut surtout avoir le contrôle sur les choses.

Ma pensée évolue toutefois au fil du temps. On m’a déjà demandé par le passé si j’accepterais d’accompagner une personne qui ferait ce choix. J’y ai réfléchi quelques minutes… je ne m’étais jamais posé la question…Mais naturellement, j’ai répondu oui.

Pourquoi ? Et bien tout simplement parce qu’il s’agit d’une expérience qui concerne un être humain et qu’il a tous les droits, comme n’importe qui mourant de maladie ou de vieillesse, d’être accompagné pour effectuer ce passage important de son existence.

Récemment, j’ai écouté une entrevue de Louise Deschâtelets, qui racontait son expérience d’avoir été demandé au chevet de sa belle-sœur qui avait choisi l’aide médicale à mourir pour terminer ses jours. Elle a elle-même été prise par surprise car elle ne souhaitait pas vraiment être présente, mais puisque c’était un moment intime et qu’elle y avait été invitée, elle ne se sentait pas le droit de refuser ce dernier souhait à sa belle-sœur.

Son témoignage m’a bouleversé. Louise Deschâtelets n’accompagne pas les gens en fin de vie dans son quotidien, mais l’expérience qu’elle a vécue ce jour-là a été marquante. La description qu’elle faisait des derniers moments, étaient exactement, ce que la plupart du temps je peux observer au chevet des gens dont le temps est compté : un visage serein, les rides estompés, un calme apparent…

Cela m’a apaisé face à l’aide médicale à mourir. Elle racontait qu’ils avaient tous été très bien informés de chacune des étapes, ont pu exprimer ce qu’ils vivaient chacun de leurs côtés, mais que de la voir si sereine juste avant la mort et au moment de la mort, l’avait grandement touché.

Sa façon d’en parler était aussi, comme lorsque je raconte ces épisodes de mon parcours…elle en parlait avec grandeur, une sorte d’émerveillement et de ravissement…profondément touchée par l’expérience, elle qui ne s’est pas gêné pour dire qu’elle avait peur de la mort.

J’ai réalisé que peu importe le moyen utilisé ou la façon dont la mort arrive (je ne parle pas bien sûr ici d’accidents, de morts violentes ou de suicides…), la personne qui en vit l’expérience et qui accueille ce qui est, peut tout à fait ressentir le même apaisement lorsque la vie se termine.

Hélène Giroux

Des détails qui n’en sont pas

Écrit pour le magazine web, « Le portail zen ».
Mars 2017

En décembre dernier, j’ai vécu un accompagnement hors de l’ordinaire; une dame allemande, anglophone, veuve, sans enfant et dont les quelques membres de la famille habitaient à l’étranger.

Ma présence auprès d’elle était donc devenue une grande source de réconfort, non seulement pour elle personnellement, mais pour la famille trop éloignée pour assurer une présence continue, bien que sa condition se détériorait rapidement.

Le soir de son décès, je me suis retrouvée seule à son chevet. J’ai l’habitude auprès d’une personne qui vient de décéder, de faire une toilette au corps, pour redonner à cette personne un peu de dignité, avant le départ pour le salon funéraire.

Durant l’accompagnement, la famille et moi avions pris l’habitude d’échanger régulièrement sur Skype et je savais que ce soir-là n’y manquerait pas non plus. Je savais aussi que cette dame serait incinéré et que ce dernier moment d’au-revoir pourrait à lui seul transformer pour eux toute l’expérience, car difficile de vivre un décès à distance et de ne plus revoir le corps par la suite.

Ce moment de soin au corps peut sembler macabre, pour qui ne l’a jamais vécu… mais c’est en fait un moment sacré dans le parcours de cette expérience et que je trouve fort important. Un moment où on prend vraiment le temps de s’arrêter. J’ai mis de la belle musique, ai choisi des vêtements, ai préparé tout ce dont j’avais besoin pour ce rituel.

Je souhaitais offrir à la famille, une image beaucoup plus sereine, qu’uniquement celui du dernier souffle. J’avoue ce soir-là m’être moi-même dépassée… Elle était tellement belle et son visage était si serein que le personnel venait à tour de rôle dans la chambre constater par eux-mêmes le résultat, tout en lui faisant leurs adieux.

Comme le médecin ne pouvait venir que le lendemain matin authentifier le décès, j’ai passé la nuit auprès du corps avec des bougies et de la musique et ai répondu à de nombreux appels de proches qui avaient appris la nouvelle de son décès. La magie de Skype a permis que je puisse installer le portable, de sorte qu’à tour de rôle, chacun d’eux a pu la voir une dernière fois et lui faire ses adieux.

Moments bien sûr très touchants et très intimes, bien que la plupart lui parlait en allemand et donc que j n’ai pu saisir ce qu’il se disait. Je pouvais toutefois sentir dans leur voix et leur énergie toute leur tristesse et leur affection aussi.

Un ange nommé Hélène Giroux

Article écrit par la journaliste Isabelle Maher et publié sur le blog du site : www.lederniermot.com
Service de rédaction professionnelle de récits nécrologiques permanents.

 

La télé hurlait à pleine tête dans la petite chambre d’hôpital. Pierrette vivait les dernières heures de sa vie. Au chevet de la dame de 76 ans, son fils et sa nièce, Hélène Giroux.

« La voisine de lit se mêlait de notre conversation par-dessus le son de sa télévision. Je ne pouvais pas croire que ma tante allait mourir comme ça », se disait Hélène qui a demandé et obtenu que la patiente soit installée dans un endroit plus paisible de l’hôpital.

« On nous a trouvé un petit coin tranquille. Nous avons fait jouer Les Quatre Saisons de Vivaldi. Elle a attendu à la toute fin et elle est partie. C’était un cadeau de me permettre d’être là », raconte, encore émue, celle qui venait d’accompagner son premier humain dans la mort.

Depuis 10 ans, Hélène Giroux a tenu la main de plus de 200 personnes jusqu’aux derniers moments de leur vie, presque toujours à leur domicile, moins de deux mois avant leur décès. Sa clientèle est âgée entre 54 et 62 ans, des cas de cancer pour la très vaste majorité.

« Chaque fois, c’est différent, chaque humain est unique. Chaque fois, je développe de nouveaux outils. Je ne saurai jamais tout de l’accompagnement des mourants », affirme-t-elle.

Contrairement à la croyance populaire, accompagner des mourants n’a rien de triste ou de déprimant. Les gens ne voient que les mauvais côtés de la mort, observe l’accompagnatrice de 57 ans qui se dit pourtant honorée d’accompagner les gens en fin de vie.

Quand le superficiel prend le bord

« On va à l’essentiel quand le temps est compté. Le superficiel prend le bord lorsque l’on est dans l’urgence, on ne parle pas de la météo… », explique celle qui a d’abord brièvement travaillé comme préposée aux bénéficiaires avant de suivre une formation de bénévole en soins palliatifs à la Maison Albatros.

Hélène Giroux, accompagnatrice

Beaucoup de gens préfèrent mourir à la maison, observe madame Giroux. Les familles des personnes en fin de vie qui font appel aux services de l’accompagnatrice sont souvent complètement démunies, elles ne dorment plus et sont épuisées.

« Certains ne veulent rien savoir d’un accompagnement. D’autres attendent trop avant de demander de l’aide. Pourtant, je suis convaincue que mon travail est essentiel. Après le décès, il reste entre nous un lien spécial, c’est tellement intense », confie-t-elle.

Comme tout le monde, Hélène ignore tout du moment où la mort viendra. C’est toujours surprenant, dit-elle, mais certains signes ne mentent pas. Parfois, des familles se confortent en projetant la personne en fin de vie dans certains projets qui auront lieu dans beaucoup trop longtemps.

« Mon rôle est aussi de les ramener délicatement à la réalité en leur disant de peut-être penser à plus court terme », raconte-t-elle.

Être présent auprès des gens confrontés à la mort ne se résume pas à leur tenir la main, explique Hélène Giroux. Accompagner, c’est aussi rassurer la famille qui affronte ce grand tabou. La mort est une « expérience sacrée » devant laquelle il faut rester humble et suivre le rythme du patient, ajoute-t-elle.

« Notre travail n’est pas de les amener à la sérénité. Ce n’est pas moi qui décide. Le maître, c’est celui qui est en train de mourir. Il faut rester là et lui donner le droit de vivre ce qu’il a à vivre, insiste-t-elle. Dans un accompagnement, il n’y a ni croyance ni religion. On accompagne un humain. »

Après la mort, l’accompagnatrice ne quitte jamais la famille avant que le corps ne soit emmené. C’est elle qui prévient le CLSC pour qu’un médecin vienne constater le décès. Elle communique également avec le salon funéraire désigné afin que les employés viennent chercher la dépouille.

« Je m’occupe de la toilette du défunt, je l’habille selon les volontés de la famille, je range tout le matériel médical et je m’assure que chacun ait la chance de bien saluer l’être aimé. Après le départ du défunt, je refais le lit et j’y dépose une fleur », relate-t-elle.

La mort enrichit la vie

Celle qui a vu mourir tant de gens croit que la mort enrichit la vie, c’est un grand honneur d’assister à la mort de quelqu’un que l’on a aimé, plaide-t-elle. Pourtant, comme bien des gens, Hélène Giroux a déjà eu peur de la mort. Avec le temps, sa vision a bien changé.

« Plus ça va, plus je pense que nous avons tous notre humble part à apporter dans ce monde pour faire une différence. L’âge de notre départ n’a pas d’importance. La mort est un passage, ton corps physique te quitte parce qu’il a fait ce qu’il avait à faire », pense-t-elle.

Accompagner des humains dans la mort et en faire un travail demeure très marginal. C’est aussi le premier service qui prend le bord à l’heure des coupures dans les soins de santé. Il n’est pourtant pas exagéré de dire que c’est un service essentiel, croit Hélène Giroux.

« Peu de gens sont préparés ou informés sur le processus de la mort. Que ce soit des proches aidants au chevet d’un mourant et même des soignants du milieu des CHSLD et des hôpitaux, tous manquent d’outils et de connaissances », observe-t-elle.

Auteure de trois ouvrages sur ce sujet qui la passionne, Hélène Giroux se sent encore souvent comme une « défricheuse ».

Une défricheuse devant la grande faucheuse.

Isabelle Maher

Réflexion: gagner ou perdre sa bataille…

Cet article se veut une réflexion.

De celle que je me sens interpellée à mettre en lumière…que je souhaite profondément voir se transformer…et pour laquelle j’émets le désir d’une importante prise de conscience.

Les mots, qu’on le réalise ou non, ont un impact profond sur nos perceptions, nos réactions, sur notre état d’être aussi. Lorsque utilisés de façon automatique, sans y être vraiment attentif, ces mots en apparence banals, peuvent parfois causer des blessures dont on n’a même pas idée. C’est pourquoi il importe de s’y arrêter…

Combien de fois entendons-nous ces expressions spontanées lorsqu’il est question d’une problématique de cancer : « Il a perdu sa bataille », « Elle a gagné son combat » ou encore « Se battre contre le cancer »….Ces phrases en apparence anodines lors de tels contextes, ont par contre une grande portée psychologique pour laquelle il est nécessaire de s’interroger.

J’avoue que j’ai toujours ressentie un grand malaise en les entendant, bien que je ne fusse pas personnellement concernée. Le cancer n’est ni une bataille, ni un combat et encore moins un appel à la guerre, même si celui-ci met le corps et l’esprit à rude épreuve…c’est une expérience qui arrive tout simplement. Une expérience que personne ne mérite, que personne n’a choisi non plus…le cancer ne fait pas de discrimination.

La notion de bataille crée des résistances et exprime même inconsciemment, qu’il doit nécessairement y avoir un gagnant et un perdant. Dans notre société de productivité et de compétition, se battre montre une image de pouvoir, de volonté, d’audace, de courage et de détermination qui suscite une forme d’admiration.

Cette vision erronée dans un tel contexte, offre peu de choix à la personne qui en est atteinte. Si elle choisit par exemple de refuser le processus des traitements qu’on lui propose, elle est perçue comme lâcheuse, non combative, voire même égoïste.

Certaines personnes s’en remettront…d’autres feront des récidives, d’autres aussi en mourront…mais est-ce parce que ces dernières n’ont pas aussi souhaités de tout cœur en guérir ? Ou parce qu’elles n’ont pas fait assez d’efforts pour se « battre » ? Parce qu’elles ont manqué de courage, de volonté ou de détermination ? Ne pas « gagner » est automatiquement associé au mot « échec ».

Dans notre société, ne pas résister, se laisser-aller, même accepter de vivre une telle situation en mettant de côté les résistances n’est pas bien vu. Mourir l’est encore moins. Et ce sentiment d’échec ou d’injustice peut aussi se vivre chez les proches qui restent, et nuire au processus du deuil.

Nous oublions que l’âme est venue explorer toutes sortes d’expériences à travers son parcours terrestre; la maladie en fait partie, la mort aussi. En expérimentant ces situations, elle apprend, évolue et permet à ceux et celles qui les côtoient de faire aussi des pas dans leur cheminement.

Saviez-vous qu’il est possible de mourir guéri ? J’ai personnellement connue plusieurs personnes qui sont mortes guéries. Eh oui c’est possible. Le corps physique lâche car il n’est plus nécessaire, mais l’âme elle, a retiré de précieuses leçons qui lui dictent avoir accompli sa destinée ici-bas. Elle peut donc retourner « à la maison ».

Que les gens meurent ou non à la suite d’un processus de maladie, n’est donc pas une question de courage et de volonté, mais d’étapes de transformation individuelle de l’âme. Toutes elles ont évoluées, qu’elles restent ou qu’elles quittent.

Voici donc une invitation à transformer votre vision de ce cheminement particulier, pour permettre à chaque personne qui la vit de ne pas sentir cette pression de performance que de telles expressions obligent.

Nous évoluerons ainsi comme société à devenir plus conscients et à accepter que chaque personne et chaque âme a son propre chemin d’évolution….Accompagnons cette personne là où elle doit aller, pas là où nous souhaiterions qu’elle aille…..

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière et officiante funéraire
Article écrit en février 2017

Des détails qui n’en sont pas

En décembre dernier, j’ai vécu un accompagnement hors de l’ordinaire; une dame allemande, anglophone, veuve, sans enfant et dont les quelques membres de la famille habitaient à l’étranger.

Ma présence auprès d’elle était donc devenue une grande source de réconfort, non seulement pour elle personnellement, mais pour la famille trop éloignée pour assurer une présence continue, bien que sa condition se détériorait rapidement.

Le soir de son décès, je me suis retrouvée seule à son chevet. J’ai l’habitude auprès d’une personne qui vient de décéder, de faire une toilette au corps, pour redonner à cette personne un peu de dignité, avant le départ pour le salon funéraire.

Durant l’accompagnement, la famille et moi avions pris l’habitude d’échanger régulièrement sur Skype et je savais que ce soir-là n’y manquerait pas non plus. Je savais aussi que cette dame serait incinéré et que ce dernier moment d’au-revoir pourrait à lui seul transformer pour eux toute l’expérience, car difficile de vivre un décès à distance et de ne plus revoir le corps par la suite.

Ce moment de soin au corps peut sembler macabre,  pour qui ne l’a jamais vécu…mais c’est en fait un moment sacré dans le parcours de cette expérience et que je trouve fort important. Un moment où on prend vraiment le temps de s’arrêter. J’ai mis de la belle musique, ai choisi des vêtements, ai préparé tout ce dont j’avais besoin pour ce rituel.

Je souhaitais offrir à la famille, une image beaucoup plus sereine, qu’uniquement celui du dernier souffle. J’avoue ce soir-là m’être moi-même surpassée…. Elle était tellement belle et son visage était si serein que le personnel venait à tour de rôle dans la chambre constater par eux-mêmes le résultat, tout en lui faisant leurs adieux.

Comme le médecin ne pouvait venir que le lendemain matin authentifier le décès, j’ai passé la nuit auprès du corps avec des bougies et de la musique et ai répondu à de nombreux appels de proches qui avaient appris la nouvelle de son décès. La magie de Skype a permis que je puisse installer le portable, de sorte qu’à tour de rôle, chacun d’eux a pu la voir une dernière fois et lui faire ses adieux.

Moments bien sûr très touchants et très intimes, bien que la plupart lui parlait en allemand et donc qu’à part le ton de la voix, je ne pouvais savoir ce qu’ils se disaient. Mais combien reconnaissants ils ont été ! D’abord de savoir que je passais la nuit auprès du corps, puis de savoir que j’avais pris ce temps pour bien préparer cet ultime rendez-vous.

Ce geste en apparence bien simple ne l’était pas du tout à leurs yeux. Préparer le corps aurait pu sembler un détail, car le salon refait habituellement le travail. Mais pour le travail du deuil de la famille, je trouve essentiel de poser ces gestes qui sont toujours appréciés et très réconfortants.

Hélène Giroux
Accompagnatrice en fin de vie
Article écrit en mars 2017

Faire une différence

Peut-on penser que dans un contexte de fin de vie, qu’il soit encore possible de faire une différence pour l’autre à travers le quotidien ? La mort est tellement un sujet tabou que cela nous semble pratiquement impossible, voire illusoire, car ces moments où la vie s’achève sont davantage perçus comme déprimants et inutiles. Mais c’est oublier que tant qu’il y a un souffle, la vie est encore présente.

Ce regard sur l’autre peut avoir un impact réel dans l’expérience de chacune des personnes concernées. On dit souvent « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ». L’espoir de quoi me direz-vous ? Non, pas celui de la guérison ou de changer le cours des choses…mais plutôt celui de pouvoir encore préserver avec l’autre cette connexion intime qui nous relie à la vie.

Et ne croyez pas que vous deviez poser des gestes extraordinaires…je dirais même qu’ici, la moindre petite chose devient précieuse; comme par exemple de partager un souvenir commun, de faire sourire le temps de quelques instants, d’apporter une petite gâterie que l’autre aimait particulièrement ou bien simplement d’offrir une présence chaleureuse.

Il s’agira peut-être aussi d’un regard rempli de compassion, de tendresse ou d’affection, mais qui offrira à l’autre le sentiment profond d’être encore quelqu’un, de se trouver toujours dans la vie, lié à ceux et celles qui l’entourent. Et que dire d’un toucher tendre et délicat qu’on utilise tout naturellement quand il s’agit d’un nouveau-né, mais dont on ignore les bienfaits instantanés chez celui que l’inconnu effraie.

Et quand la parole et le contact visuel ne sont plus possibles, que peut-on faire alors sinon se sentir inutiles et démunis…. C’est oublier qu’il reste encore le puissant pouvoir d’une présence consciente et remplie de chaleur humaine et d’affection, qui aura la capacité, même de manière invisible, d’apaiser l’atmosphère et de rayonner sur l’autre qui prépare son départ.

Oui, il est encore possible de faire cette différence.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit en août 2016

Accompagner les personnes en fin de vie

Accompagner les personnes en fin de vie suscite curiosité mais aussi peurs et questionnements chez de nombreuses personnes. C’est tout à fait normal puisque nous avons affaire à de l’inconnu et ce qu’on ne connait pas fait effraie.

J’en conviens, le choix d’œuvrer dans cette sphère d’activité est une vocation où tous ne se sentent pas appelés. Mais individuellement, à travers notre parcours à chacun et sans l’avoir choisi, nous aurons à nous trouver auprès de personnes de notre entourage dont le temps sera compté et également un jour à vivre cette expérience pour soi-même.

Voilà pourquoi il est important d’aborder le sujet, de tenter de l’apprivoiser pour le démystifier, de changer notre regard sur ce moment important que nous vivrons tous à un moment ou un autre. Et cela est possible, car il faut savoir que même dans la mort, la vie est présente jusqu’au bout.

Étrangement, au chevet des mourants, l’opportunité nous est offerte de recevoir de précieuses leçons sur le sens même de cette vie que nous prenons bien souvent pour acquise, mais également d’avoir accès à des moments de grande authenticité, car les mourants se trouvent davantage dans l’essentiel à cette période de leur existence. Accompagner un mourant c’est aussi apprivoiser la mort pour soi-même. Un voyage qui nous amène bien souvent à nous dépasser.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit en sept. 2015

Entrevue avec Hélène Giroux, Million-Être

Cette semaine je vous présente Hélène Giroux, qui après avoir été abonnée au blogue depuis un bon moment, s’est reconnue comme une Million-être et j’en suis honoré. J’ai été touché par son partage, sa mission de vie comme accompagnatrice en fin de vie.

Il me fait plaisir de vous inviter à entrer dans son univers, et peut-être aussi le vôtre puisque la mort fait aussi partie de la vie et que de vivre le sens de sa vie permet de donner aussi un sens à la mort.

Hélène Giroux 

 


À ce jour, quelle est la contribution qui vous a procuré la plus grande satisfaction et qui, selon vous, contribue à créer un monde meilleur?

J’accompagne des gens en fin de vie qui souhaitent terminer leurs jours à la maison et cette vocation donne tout un sens à mon existence. Le patient a besoin de soins, d’écoute et de chaleur humaine, mais la famille éprouvée nécessite également d’être secondée, épaulée et réconfortée dans ces moments difficiles de la perte prochaine d’un être cher. Ce rôle d’accompagnatrice est donc fort apprécié des familles que je côtoie, car leur implication émotive empêche bien souvent d’avoir un regard objectif sur la situation. Par contre, guidée à travers cette expérience, la famille peut apprendre à apprivoiser chacune des étapes conduisant vers la mort. Je sais que j’ai accompli ma mission lorsque après le décès, les proches me témoignent que je leur ai permis de transformer cette période insécurisante en expérience positive malgré la tristesse. Cela va même parfois jusqu’à modifier leur vision de la mort. De se sentir ainsi accompagnés leur permet également de traverser les étapes du deuil plus sereinement. Comme être humain, ressentir cette connection profonde à un moment aussi sacré de l’existence me comble de gratitude.

Quel événement, quelle personne ou prise de conscience vous a incité à vous engager de cette façon et qu’est-ce que ça vous a apporté?

Alors que je ne travaillais pas dans cette sphère d’activité, une tante proche a reçu un diagnostic de tumeur cérébrale et j’ai tout de suite eu le désir de l’accompagner. Cette décision venait du cœur, mais je n’avais aucune idée à ce moment à quel point je me sentirais interpellée par ce métier hors de l’ordinaire. J’ai donc réorienté ma carrière et suis allé suivre une formation de préposée pour être en mesure de pouvoir donner des soins. Après l’obtention de mon diplôme, déçue par les milieux de santé traditionnels, j’ai rapidement choisi d’œuvrer spécifiquement auprès des mourants; métier davantage en harmonie avec les valeurs qui me sont chères et qui s’attardent à l’humain plutôt que simplement à la maladie. Côtoyer les mourants me permet de demeurer dans l’instant présent, de mettre en valeur ce qui m’importe dans la vie, d’avoir des rapports plus authentiques avec les gens . C’est donc un métier extraordinaire qui me rend très heureuse !

Que souhaitez-vous que l’on dise de vous après votre passage terrestre?

Que j’ai déposé des semences d’amour partout sur mon passage et que j’ai fait une différence dans la vie des gens qui ont eu le bonheur de croiser ma route.

Avez-vous créé des œuvres littéraires, musicales, artistiques ou autres que vous aimeriez faire découvrir à nos lecteurs? (énumérez les principales seulement)

Pour aider les gens à démystifier et à apprivoiser ce sujet difficile, j’ai écris et fait publier un livre intitulé, « Le privilège d’accompagner…choisir de côtoyer la mort », aux Éditions La Plume d’Oie. Ce projet est un grand rêve que je caressais depuis longtemps et que j’ai réalisé après 2 ans de travail d’écriture. Je constate en pratiquant ce métier que beaucoup de gens se sentent interpellés par le sujet et qu’ils ont toujours de nombreuses questions à me poser. Il faut dire que même en 2012, la mort reste encore un sujet tabou que peu de gens osent aborder ouvertement et que lorsqu’il en est question, c’est plutôt dans des termes sombres. Parce que j’ai le privilège de côtoyer les mourants dans mon quotidien, je suis à même de pouvoir échanger sur la question en faisant davantage ressortir les aspects positifs….car oui, il y en a ! Ce livre offre la possibilité aux gens d’ouvrir une porte dans une direction inexplorée pour pouvoir ensuite percevoir les choses avec un regard neuf. Bien que cet ouvrage parle de la mort, c’est bien plus d’un hymne à la vie dont il est question.

Y-a-t-il un message particulier que vous aimeriez transmettre de plus?

J’ai conscience que pour beaucoup de gens, la mort est un sujet difficile à aborder…mais j’aimerais leur dire que la mort peut s’apprivoiser. Au même titre que la naissance, elle fait partie des étapes que nous aurons à franchir sur notre parcours, qui que nous soyons. J’ai moi-même appris qu’apprivoiser la mort, c’est aussi apprendre à vivre…aussi étrangement que cela puisse paraître.
Merci Hélène de contribuer à un monde meilleur – Daniel Giguère coach (sept.2012)

Quelles sont les coordonnées pour vous rejoindre?

Nom : Hélène Giroux
Courriel :  hegir@hotmail.com
www.facebook.com/accompagnementetsoins

L’abondance dans l’accompagnement

Ces deux mots peuvent sembler incompatibles. Et pourtant, j’ai le privilège de vivre  tous les jours l’abondance, dans chaque accompagnement que je fais. Car oui, j’ai choisi cette vocation plutôt particulière, mais combien gratifiante et élevante même, devrais-je dire, de me trouver auprès des personnes qui se préparent à quitter cette vie.

La mort est davantage perçue comme quelque chose qu’on nous retire, pas qu’on ajoute, à notre parcours terrestre. Et il faut dire qu’on a souvent tendance à associer l’abondance à des choses matérielles, alors qu’elle est présente dans bien d’autres sphères de nos vies. Mais comment puis-je donc arriver à dire, qu’elle me permet de vivre dans la gratitude, l’émerveillement et surtout l’abondance ?…

Je sais, c’est difficile à saisir et cela ne veut pas dire que je ne vive pas d’émotion lorsqu’une personne quitte cette vie pour poursuivre sa route ailleurs. Mais je vis aussi bien d’autres choses dont on n’imagine même pas la portée, dans ces moments sacrés!

Tiens, je repense par exemple au dernier accompagnement que j’ai fait. Un homme de 97 ans. Bon d’accord me direz-vous, il a vécu toute une vie et il est normal de quitter celle-ci à un âge aussi avancé.

Il importe de savoir que pour moi, le temps de vie dans sa longévité n’est plus un absolu. On peut mourir à tout âge et même si dans notre vision des choses, il n’est pas « normal » de quitter cette vie à 40 ans, je crois tout de même profondément, qu’on « retourne à la maison » quand notre mandat de vie est terminé. Le sien a juste été plus long.

Cet homme a été un résilient et un pacifique toute sa vie et il s’est appliqué à mettre en place dans son parcours, des règles de vie qu’il avait choisi et qui lui étaient fondamentales pour être heureux ; comme par exemple, ne pas porter de jugement, aider toute personne qui a besoin, sourire, ne pas gaspiller son temps à critiquer ou à gémir sur son sort, etc….Ces règles de vie ont été trouvées par sa famille après son décès et lu le jour de ses funérailles. Je le reconnaissais tout à fait dans ces belles valeurs, en écoutant ce texte !

J’ai connu cet homme alors que j’accompagnais sa conjointe qui se mourait d’un cancer. Elle est décédée depuis quelques années maintenant. Nous avons gardé un certain contact et quand ce fut à son tour d’en perdre physiquement et d’être hospitalisé, la famille a naturellement fait appel à moi pour l’accompagner. Je me suis trouvé à son chevet de nuit, durant un mois.

J’étais émerveillée de constater à quel point cet homme ne se plaignait jamais de son sort et était tout sourire pour chacun. Même au moment où il a su qu’il ne pourrait plus retourner chez lui, il a continué à être résilient et à préserver sa bonne humeur.

Les cadeaux que j’ai reçus à son chevet sont tout, sauf matériels ou monétaires. Il se réveillait et quand il me voyait à ses côtés, il me faisait le plus beau des sourires. Je lui prenais la main qu’il tapotait toujours en signe d’appréciation et me demandait si j’avais bien dormi et si j’étais confortable. Quel homme charmant !

Chaque fois que j’accomplissais une tâche pour lui, si petite soit-elle, il me disait « Merci ma fille » et me tapotait à nouveau la main. Et quand je quittais le matin venu, il n’omettait jamais de me remercier chaleureusement pour « mes bons services », m’exprimant combien il était reconnaissant que je sois là.

Sa vision de la vie, sa manière d’être attentif et reconnaissant pour toute l’abondance affective qu’il vivait autour de lui, lui a permis de vivre et de terminer sa vie dans la plus grande sérénité et dans un état de conscience peu ordinaire.

Le dernier matin avant son départ, que je n’avais pas vu venir vu sa grande lucidité, je me préparais comme à l’habitude à le quitter pour aller dormir. Il m’a encore souri, remercié et m’a dit qu’il se sentait un peu fatigué pour se lever tout de suite. Je l’ai encouragé à rester au lit encore un peu, que rien ne pressait de se lever tout de suite. Il m’a souri, embrassé et ce fut notre dernière rencontre.

On m’a raconté par la suite que sa sœur s’est présenté à son chevet et l’a aussi encouragé à fermer les yeux et à se reposer encore un peu, alors que des membres de la famille jasaient dans la chambre. Il a souri et salué tout le monde et s’est mis à chanter « Ferme tes jolis yeux… ». Quelques minutes plus tard, il avait rendu l’âme, sans tambour ni trompette.

Cet homme extraordinaire m’a laissé tellement de cadeaux de sa belle présence ! Comment ne pas me sentir privilégié d’accompagner les gens à travers cette expérience de la grande traversée ! Et ce n’est pas la première personne de qui je retire autant. En fait il y a plein d’histoires comme celles-là que je pourrai vous raconter où j’ai reçu des présents inestimables, qui enrichissent ma vie et mon expérience ici-bas !

Alors oui, il m’est donné lorsque j’accompagne, de me sentir infiniment choyée,  à travers toutes ces formidables personnes que j’ai le bonheur de côtoyer. Et même dans un contexte aussi exigeant que la fin de vie d’un autre être humain, il est possible de transformer cette étape, par un regard différent, axé non pas sur le manque ou le moins, mais sur le plus que de telles relations ou de tels échanges peuvent nous apporter…et je peux vous dire qu’il y en a toujours !

Même les expériences d’accompagnement les plus difficiles que j’ai vécus m’ont toutes apportées une leçon, un enseignement, une prise de conscience, un changement de perception…et pour cela je suis infiniment reconnaissante ! Oui l’abondance est partout, même dans l’étape finale de notre traversée, la mort. Ne la craignons pas, mais approchons-nous de plus près pour entendre ce qu’ils ont à dire ou à nous offrir en héritage…

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit pour Holistik magazine, mai 2016
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