Dualité ou complémentarité

Si on regarde la vie d’un point de vue purement objectif, celle-ci semble composée de tellement de dualités : La vie et la mort, la richesse et la pauvreté, le bien et le mal, la santé et la maladie, la chance ou la malchance…et la liste pourrait s’allonger encore et encore.

On regarde la vie comme si tout était classifié, compartimenté en 2 pôles bien distincts, l’un étant un idéal à atteindre, l’autre un ennemi à repousser. Ces dualités ne sont toutefois pas exceptionnelles, elles font partie intégrante du parcours de chacun d’entre nous, mais n’est-ce pas justement ce qui donne tout son sens à notre existence ?

Voir la vie seulement comme une lutte à mener, amène avec cette perception, son lot de frustrations, de sentiment d’injustice et de résistance. Et si ce qui paraissait négatif au premier abord, était davantage une opportunité d’enseignements et de leçons de vie ? Étrangement, la perfection de la vie est intimement reliée à ses imperfections….oui, une vie parfaitement imparfaite.

N’arrive-t-il pas bien souvent qu’une perte d’emploi ne soit pas uniquement une épreuve à vivre, mais une formidable opportunité de réorienter son parcours professionnel pour un plus grand épanouissement personnel ?…

.Que l’annonce de la fin de vie d’un proche, soit une occasion de ralentir notre rythme effréné pour s’attarder à l’essentiel ?….

.Que le désir de vivre et de prendre soin de soi soit plus grand après avoir connu un ennui de santé nous ayant obligé à ralentir ?….

.Qu’un événement dramatique soit l’opportunité de modifier des lois ou d’en créer de nouvelles pour notre plus grande sécurité?….

.Qu’une tragédie dans l’actualité nous donne irrésistiblement le désir urgent d’appeler nos proches pour leur signifier toute notre affection ?….

.Qu’un cataclysme naturel nous invite naturellement à offrir notre aide à des gens qui en ont subi les préjudices ?…

Ces événements à la base tristes ou bouleversants portent en eux leur propre lumière, puisqu’ils font jaillir en l’être humain ce qu’il a de meilleur, sa compassion et son empathie et un besoin viscéral de connexion avec ses semblables.

Se laisser entraîner par le tourbillon de la vie et par la routine du quotidien aveugle l’homme et se laisser entrainer dans son sillon est très facile, car on ne s’en rend pas vraiment compte, trop occupé à courir.

Ces événements qui se produisent, quels qu’ils soient, ont donc aussi un rôle à jouer sur notre chemin d’évolution…ils ne sont pas inutiles et servent en fait à nous secouer, à nous réveiller. Mais pour qu’ils aient cet impact sur nous, il importe de demeurer conscient de cette réalité, de comprendre que rien de ce qui nous arrive n’est une punition ou une calamité, mais plutôt une occasion de s’arrêter pour réfléchir et se repositionner dans ce grand jeu de la vie.

Nous apprécions encore plus la nuit, quand on se rend compte qu’elle est nécessaire à notre rythme pour se reposer et refaire nos forces et qu’elle nous permet de voir apparaitre les étoiles….

Nous sommes davantage reconnaissants de se blottir près d’un feu après avoir affronté les rigueurs de l’hiver…
Nous réalisons toute la chance que l’on a de vivre au Québec quand on voit toutes les atrocités qui se passent un peu partout…
Alors dualités ou opportunités ?…

Nous n’avons peut-être pas le pouvoir de changer ce qui nous arrive, mais nous avons toutefois la liberté de choisir comment on va les vivre.

 

Choisir de mourir

J’ai récemment eu à accompagner un homme dans un centre d’hébergement; 59 ans et atteint de SLA depuis des années. Un homme qui avait toute sa tête malgré ses limitations physiques…et là se trouvait le problème. Avoir 59 ans et se retrouver en CHSLD avec des gens très hypothéqués, atteints pour plusieurs de démence, grabataires, se voir contraint de suivre un horaire établi, de se conformer à des règles qui briment la liberté…tout cela et plusieurs autres deuils à faire ont eu raison, au fil du temps, de sa détermination à vouloir continuer de vivre.

Mais que fait-on quand on veut que tout cela s’arrête, qu’on demande à mourir et qu’on n’a pas accès à de l’aide médicale à mourir puisqu’on n’est pas en phase terminale de cancer ? On arrête de manger et de boire !…

Un choix marginal et difficile. Un choix qui n’est pas bien vu de l’entourage, incompris de plusieurs, un choix qui dérange et qui fait que tout le monde marche sur des œufs par crainte de représailles.

Je n’ai jamais senti que cet homme était en dépression. Il avait bien réfléchi à cette option, en avait parlé, s’était préparé psychologiquement et avait pris position. Il n’a pas failli à maintenir ses objectifs. Il a arrêté de manger, puis pour un temps, de s’hydrater….il croyait que cela l’amènerait à décéder rapidement…..mais ce ne fut pas le cas, il avait recommencé à boire ici et là et sa fin de vie s’est finalement étirée sur 54 jours. Une fin de vie qui n’arrêtait plus de finir…..et qui demeurait toujours incomprise, prenant tout le monde par surprise.

Comment accompagne- t-on dans un tel contexte? Comme tous les autres…avec beaucoup de respect pour le chemin choisi. Avec compassion aussi pour en être arrivé à s’arrêter sur ce choix. Avec discrétion et délicatesse, car il n’a surtout pas besoin de qui que ce soit pour lui expliquer que la vie vaut la joie d’être vécue et qu’il lui reste peut-être du bon temps encore pour le futur.

C’est la première fois que j’avais à vivre ce contexte particulier au fil de mes accompagnements…mais en fait pour moi, cela a changé peu de choses, car la mort, de quelque façon qu’elle se présente, mérite pour chaque humain d’être accompagnée, et en cela il en était très reconnaissant.

Je crois toujours que l’âme choisi son moment pour prendre son envol et que dans son cas, il y avait assurément encore des choses à régler, des gens à préparer, des décisions à prendre, des choix à faire…et au moment où celle-ci était prête, elle a quitté son corps souffrant en moins de 5 minutes.

Je sais que je n’ai pas fini de vivre toutes sortes de situations dans le contexte de mon métier, mais ce que je ressens chaque fois, c’est l’immense privilège qu’il m’est donné de pouvoir me trouver à leur chevet à ce moment.

 

 

Les valeurs qui donnent un sens à la vie

La période des fêtes est pour ma famille et pour bien d’autres, un moment important de l’année. Mois symbolique qui signifie  aussi la fin de quelque chose; une année se termine pour laisser la place à une nouvelle, et qui permet également de faire un bilan sur nos réalisations, nos défis, nos pertes et nos deuils aussi. Beaucoup de gens ont de la difficulté avec les fins…j’en sais quelque chose, j’accompagne des personnes en fin de vie.

Je suis régulièrement témoin, que laisser partir une personne que l’on aime est exigeant et confrontant pour les familles que je côtoie. Confrontant parce qu’une personne qui se prépare à quitter cette vie devient un miroir pour nous tous qui sommes mortels, mais qui tentons bien souvent de se prouver le contraire.

Que l’un de nos proches se trouvent présentement dans cette situation ou que nous ayons perdu un être cher au cours de cette année…la période des
Fêtes, qui est censée être une période de réjouissance, n’en facilitent pas alors l’expérience. Comment traverser cette étape autrement, avec plus de sérénité ? Cela peut paraître simpliste, mais en redonnant la place à nos valeurs profondes. Non, ça ne changera pas ce qui se passe ou ce qui est arrivé, mais peut déposer sur cette situation une lumière réconfortante axée sur l’essentiel.

Je vous invite donc à vous poser cette question : « Quelles sont, particulièrement durant cette période de l’année, les valeurs qui donnent un sens à votre
vie ? ». Je ne vous connais pas personnellement, mais je serais prête à parier que pour beaucoup d’entre vous, l’amour se trouvera en tête de liste. Pas nécessairement l’amour dans un couple, mais l’amour universel; celui que l’on souhaite recevoir, celui qu’il est bon de donner… teinté de solidarité, de générosité, de détachement, de compassion aussi.

Vous venez de toucher à l’essence même de ce que c’est la vie, de ce qui lui donne du prix. Laissez parler votre cœur, soyez créatifs et trouvez à travers ces valeurs qui vous sont chères, de quelles façon vous pourriez déposer dans les yeux de la personne malade ou mourante, de petites étincelles de bonheur .…. ou encore comment vous pourriez rendre hommage, dans ce même état d’esprit, à celui ou celle qui a pris son envol. Faites de ce Noël, malgré la tristesse,
un moment qui sera significatif pour vous et les vôtres…..

Hélène Giroux
Accompagnatrice
Article écrit en décembre 2015

Faire une différence

Peut-on penser que dans un contexte de fin de vie, qu’il soit encore possible de faire une différence pour l’autre à travers le quotidien ? La mort est tellement un sujet tabou que cela nous semble pratiquement impossible, voire illusoire, car ces moments où la vie s’achève sont davantage perçus comme déprimants et inutiles. Mais c’est oublier que tant qu’il y a un souffle, la vie est encore présente.

Ce regard sur l’autre peut avoir un impact réel dans l’expérience de chacune des personnes concernées. On dit souvent « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ». L’espoir de quoi me direz-vous ? Non, pas celui de la guérison ou de changer le cours des choses…mais plutôt celui de pouvoir encore préserver avec l’autre cette connexion intime qui nous relie à la vie.

Et ne croyez pas que vous deviez poser des gestes extraordinaires…je dirais même qu’ici, la moindre petite chose devient précieuse; comme par exemple de partager un souvenir commun, de faire sourire le temps de quelques instants, d’apporter une petite gâterie que l’autre aimait particulièrement ou bien simplement d’offrir une présence chaleureuse.

Il s’agira peut-être aussi d’un regard rempli de compassion, de tendresse ou d’affection, mais qui offrira à l’autre le sentiment profond d’être encore quelqu’un, de se trouver toujours dans la vie, lié à ceux et celles qui l’entourent. Et que dire d’un toucher tendre et délicat qu’on utilise tout naturellement quand il s’agit d’un nouveau-né, mais dont on ignore les bienfaits instantanés chez celui que l’inconnu effraie.

Et quand la parole et le contact visuel ne sont plus possibles, que peut-on faire alors sinon se sentir inutiles et démunis…. C’est oublier qu’il reste encore le puissant pouvoir d’une présence consciente et remplie de chaleur humaine et d’affection, qui aura la capacité, même de manière invisible, d’apaiser l’atmosphère et de rayonner sur l’autre qui prépare son départ.

Oui, il est encore possible de faire cette différence.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit en août 2016