Dualité ou complémentarité

Si on regarde la vie d’un point de vue purement objectif, celle-ci semble composée de tellement de dualités : La vie et la mort, la richesse et la pauvreté, le bien et le mal, la santé et la maladie, la chance ou la malchance…et la liste pourrait s’allonger encore et encore.

On regarde la vie comme si tout était classifié, compartimenté en 2 pôles bien distincts, l’un étant un idéal à atteindre, l’autre un ennemi à repousser. Ces dualités ne sont toutefois pas exceptionnelles, elles font partie intégrante du parcours de chacun d’entre nous, mais n’est-ce pas justement ce qui donne tout son sens à notre existence ?

Voir la vie seulement comme une lutte à mener, amène avec cette perception, son lot de frustrations, de sentiment d’injustice et de résistance. Et si ce qui paraissait négatif au premier abord, était davantage une opportunité d’enseignements et de leçons de vie ? Étrangement, la perfection de la vie est intimement reliée à ses imperfections….oui, une vie parfaitement imparfaite.

N’arrive-t-il pas bien souvent qu’une perte d’emploi ne soit pas uniquement une épreuve à vivre, mais une formidable opportunité de réorienter son parcours professionnel pour un plus grand épanouissement personnel ?…

.Que l’annonce de la fin de vie d’un proche, soit une occasion de ralentir notre rythme effréné pour s’attarder à l’essentiel ?….

.Que le désir de vivre et de prendre soin de soi soit plus grand après avoir connu un ennui de santé nous ayant obligé à ralentir ?….

.Qu’un événement dramatique soit l’opportunité de modifier des lois ou d’en créer de nouvelles pour notre plus grande sécurité?….

.Qu’une tragédie dans l’actualité nous donne irrésistiblement le désir urgent d’appeler nos proches pour leur signifier toute notre affection ?….

.Qu’un cataclysme naturel nous invite naturellement à offrir notre aide à des gens qui en ont subi les préjudices ?…

Ces événements à la base tristes ou bouleversants portent en eux leur propre lumière, puisqu’ils font jaillir en l’être humain ce qu’il a de meilleur, sa compassion et son empathie et un besoin viscéral de connexion avec ses semblables.

Se laisser entraîner par le tourbillon de la vie et par la routine du quotidien aveugle l’homme et se laisser entrainer dans son sillon est très facile, car on ne s’en rend pas vraiment compte, trop occupé à courir.

Ces événements qui se produisent, quels qu’ils soient, ont donc aussi un rôle à jouer sur notre chemin d’évolution…ils ne sont pas inutiles et servent en fait à nous secouer, à nous réveiller. Mais pour qu’ils aient cet impact sur nous, il importe de demeurer conscient de cette réalité, de comprendre que rien de ce qui nous arrive n’est une punition ou une calamité, mais plutôt une occasion de s’arrêter pour réfléchir et se repositionner dans ce grand jeu de la vie.

Nous apprécions encore plus la nuit, quand on se rend compte qu’elle est nécessaire à notre rythme pour se reposer et refaire nos forces et qu’elle nous permet de voir apparaitre les étoiles….

Nous sommes davantage reconnaissants de se blottir près d’un feu après avoir affronté les rigueurs de l’hiver…
Nous réalisons toute la chance que l’on a de vivre au Québec quand on voit toutes les atrocités qui se passent un peu partout…
Alors dualités ou opportunités ?…

Nous n’avons peut-être pas le pouvoir de changer ce qui nous arrive, mais nous avons toutefois la liberté de choisir comment on va les vivre.

 

L’aide médicale à mourir

Article paru dans le magazine web, « Le portail zen »
Juillet 2017

J’ai été pas mal bouleversée quand j’ai appris que la loi sur l’aide médicale à mourir avait été adoptée. Pas que je porte un jugement sur les gens qui souhaitent y avoir accès… c’est un choix beaucoup trop personnel et ce choix appartient à celui ou celle qui en fait la demande.

J’avoue que ce que je crains ce sont les abus et que cette façon de faire devienne normale pour terminer ses jours. Notre société est très expéditive et on veut tout, tout de suite, on ne veut pas attendre et on veut surtout avoir le contrôle sur les choses.

Ma pensée évolue toutefois au fil du temps. On m’a déjà demandé par le passé si j’accepterais d’accompagner une personne qui ferait ce choix. J’y ai réfléchi quelques minutes… je ne m’étais jamais posé la question…Mais naturellement, j’ai répondu oui.

Pourquoi ? Et bien tout simplement parce qu’il s’agit d’une expérience qui concerne un être humain et qu’il a tous les droits, comme n’importe qui mourant de maladie ou de vieillesse, d’être accompagné pour effectuer ce passage important de son existence.

Récemment, j’ai écouté une entrevue de Louise Deschâtelets, qui racontait son expérience d’avoir été demandé au chevet de sa belle-sœur qui avait choisi l’aide médicale à mourir pour terminer ses jours. Elle a elle-même été prise par surprise car elle ne souhaitait pas vraiment être présente, mais puisque c’était un moment intime et qu’elle y avait été invitée, elle ne se sentait pas le droit de refuser ce dernier souhait à sa belle-sœur.

Son témoignage m’a bouleversé. Louise Deschâtelets n’accompagne pas les gens en fin de vie dans son quotidien, mais l’expérience qu’elle a vécue ce jour-là a été marquante. La description qu’elle faisait des derniers moments, étaient exactement, ce que la plupart du temps je peux observer au chevet des gens dont le temps est compté : un visage serein, les rides estompés, un calme apparent…

Cela m’a apaisé face à l’aide médicale à mourir. Elle racontait qu’ils avaient tous été très bien informés de chacune des étapes, ont pu exprimer ce qu’ils vivaient chacun de leurs côtés, mais que de la voir si sereine juste avant la mort et au moment de la mort, l’avait grandement touché.

Sa façon d’en parler était aussi, comme lorsque je raconte ces épisodes de mon parcours…elle en parlait avec grandeur, une sorte d’émerveillement et de ravissement…profondément touchée par l’expérience, elle qui ne s’est pas gêné pour dire qu’elle avait peur de la mort.

J’ai réalisé que peu importe le moyen utilisé ou la façon dont la mort arrive (je ne parle pas bien sûr ici d’accidents, de morts violentes ou de suicides…), la personne qui en vit l’expérience et qui accueille ce qui est, peut tout à fait ressentir le même apaisement lorsque la vie se termine.

Hélène Giroux

Un ange nommé Hélène Giroux

Article écrit par la journaliste Isabelle Maher et publié sur le blog du site : www.lederniermot.com
Service de rédaction professionnelle de récits nécrologiques permanents.

 

La télé hurlait à pleine tête dans la petite chambre d’hôpital. Pierrette vivait les dernières heures de sa vie. Au chevet de la dame de 76 ans, son fils et sa nièce, Hélène Giroux.

« La voisine de lit se mêlait de notre conversation par-dessus le son de sa télévision. Je ne pouvais pas croire que ma tante allait mourir comme ça », se disait Hélène qui a demandé et obtenu que la patiente soit installée dans un endroit plus paisible de l’hôpital.

« On nous a trouvé un petit coin tranquille. Nous avons fait jouer Les Quatre Saisons de Vivaldi. Elle a attendu à la toute fin et elle est partie. C’était un cadeau de me permettre d’être là », raconte, encore émue, celle qui venait d’accompagner son premier humain dans la mort.

Depuis 10 ans, Hélène Giroux a tenu la main de plus de 200 personnes jusqu’aux derniers moments de leur vie, presque toujours à leur domicile, moins de deux mois avant leur décès. Sa clientèle est âgée entre 54 et 62 ans, des cas de cancer pour la très vaste majorité.

« Chaque fois, c’est différent, chaque humain est unique. Chaque fois, je développe de nouveaux outils. Je ne saurai jamais tout de l’accompagnement des mourants », affirme-t-elle.

Contrairement à la croyance populaire, accompagner des mourants n’a rien de triste ou de déprimant. Les gens ne voient que les mauvais côtés de la mort, observe l’accompagnatrice de 57 ans qui se dit pourtant honorée d’accompagner les gens en fin de vie.

Quand le superficiel prend le bord

« On va à l’essentiel quand le temps est compté. Le superficiel prend le bord lorsque l’on est dans l’urgence, on ne parle pas de la météo… », explique celle qui a d’abord brièvement travaillé comme préposée aux bénéficiaires avant de suivre une formation de bénévole en soins palliatifs à la Maison Albatros.

Hélène Giroux, accompagnatrice

Beaucoup de gens préfèrent mourir à la maison, observe madame Giroux. Les familles des personnes en fin de vie qui font appel aux services de l’accompagnatrice sont souvent complètement démunies, elles ne dorment plus et sont épuisées.

« Certains ne veulent rien savoir d’un accompagnement. D’autres attendent trop avant de demander de l’aide. Pourtant, je suis convaincue que mon travail est essentiel. Après le décès, il reste entre nous un lien spécial, c’est tellement intense », confie-t-elle.

Comme tout le monde, Hélène ignore tout du moment où la mort viendra. C’est toujours surprenant, dit-elle, mais certains signes ne mentent pas. Parfois, des familles se confortent en projetant la personne en fin de vie dans certains projets qui auront lieu dans beaucoup trop longtemps.

« Mon rôle est aussi de les ramener délicatement à la réalité en leur disant de peut-être penser à plus court terme », raconte-t-elle.

Être présent auprès des gens confrontés à la mort ne se résume pas à leur tenir la main, explique Hélène Giroux. Accompagner, c’est aussi rassurer la famille qui affronte ce grand tabou. La mort est une « expérience sacrée » devant laquelle il faut rester humble et suivre le rythme du patient, ajoute-t-elle.

« Notre travail n’est pas de les amener à la sérénité. Ce n’est pas moi qui décide. Le maître, c’est celui qui est en train de mourir. Il faut rester là et lui donner le droit de vivre ce qu’il a à vivre, insiste-t-elle. Dans un accompagnement, il n’y a ni croyance ni religion. On accompagne un humain. »

Après la mort, l’accompagnatrice ne quitte jamais la famille avant que le corps ne soit emmené. C’est elle qui prévient le CLSC pour qu’un médecin vienne constater le décès. Elle communique également avec le salon funéraire désigné afin que les employés viennent chercher la dépouille.

« Je m’occupe de la toilette du défunt, je l’habille selon les volontés de la famille, je range tout le matériel médical et je m’assure que chacun ait la chance de bien saluer l’être aimé. Après le départ du défunt, je refais le lit et j’y dépose une fleur », relate-t-elle.

La mort enrichit la vie

Celle qui a vu mourir tant de gens croit que la mort enrichit la vie, c’est un grand honneur d’assister à la mort de quelqu’un que l’on a aimé, plaide-t-elle. Pourtant, comme bien des gens, Hélène Giroux a déjà eu peur de la mort. Avec le temps, sa vision a bien changé.

« Plus ça va, plus je pense que nous avons tous notre humble part à apporter dans ce monde pour faire une différence. L’âge de notre départ n’a pas d’importance. La mort est un passage, ton corps physique te quitte parce qu’il a fait ce qu’il avait à faire », pense-t-elle.

Accompagner des humains dans la mort et en faire un travail demeure très marginal. C’est aussi le premier service qui prend le bord à l’heure des coupures dans les soins de santé. Il n’est pourtant pas exagéré de dire que c’est un service essentiel, croit Hélène Giroux.

« Peu de gens sont préparés ou informés sur le processus de la mort. Que ce soit des proches aidants au chevet d’un mourant et même des soignants du milieu des CHSLD et des hôpitaux, tous manquent d’outils et de connaissances », observe-t-elle.

Auteure de trois ouvrages sur ce sujet qui la passionne, Hélène Giroux se sent encore souvent comme une « défricheuse ».

Une défricheuse devant la grande faucheuse.

Isabelle Maher

Le bilan

Saviez-vous que lorsqu’une personne se trouve sur son chemin de fin de vie, elle traverse pratiquement toujours l’étape du bilan…. Au carrefour de notre route, et davantage encore lorsqu’il s’agit de la dernière étape de notre parcours d’être humain incarné, il importe de s’arrêter pour regarder derrière ce qui a été vécu.

Cela permet de donner du sens justement à ce qui a marqué notre existence, que ces événements nous semblent sur le moment positifs ou négatifs…car quels qu’ils soient, ils ont toujours un enseignement ou une leçon à nous transmettre et qui nous permet de mieux comprendre où cela nous a conduit et les transformations qu’ils ont occasionné.

Mais pourquoi attendre d’être arrivé à l’étape de fin de vie pour faire un bilan. À tout moment de notre existence, que ce soit lors d’un changement majeur (divorce, déménagement, changement d’emploi…..) ou simplement parce qu’une année se termine et qu’une autre est sur le point de débuter, comme c’est le cas en ce moment…regarder derrière pour en faire l’analyse permet de réajuster le tir, de faire de nouveaux choix, de se repositionner, de se remettre en question, d’être fier de soi aussi.

Nous sommes tous interpellés par l’atteinte d’une plus grande harmonie intérieure, d’un meilleur équilibre entre nos pensées et nos actions, de connecter de plus en plus avec la meilleure version de nous-même. Le bilan est un outil très précieux pour repartir sur de nouvelles bases dans l’atteinte de ces objectifs.

Étonnamment, au moment où ces gens dont le temps est compté traversent cette étape de la fin du parcours, ils ont un regard beaucoup plus objectif sur leur existence et arrivent à en regarder tous les aspects, comme s’ils se trouvaient à vol d’oiseau. Comme ils souhaitent partir le cœur léger, cela leur permet de faire des lâcher-prises, des pardons, des réconciliations, de dire ce qu’ils n’avaient pas eu le courage de dire jusqu’alors, d’espérer ainsi faire le passage avec plus de sérénité et de légèreté.

Ces objectifs peuvent aussi être atteints, même si nous nous trouvons encore dans la vie et je dirais même davantage encore parce que justement on se trouve encore dans la vie. Que cette nouvelle année vous offre l’opportunité d’aspirer au meilleur…

Hélène Giroux
Accompagnatrice
Article écrit en janvier 2017

L’amour est partout !

Ma perspective sur les petites choses de la vie a bien changé depuis que je côtoie la mort. Je crois profondément que l’amour est en plein cœur de nos vies, que c’est ce qui lui donne une direction, une raison d’être et que c’est aussi ce qui donne un sens à la mort quand tout le reste devient futile.

Mais où donc voit-on cela dans un tel contexte?

.Je le vois dans le regard plein de tendresse du conjoint ou des proches au chevet du malade
…dans un sourire complice partagé le temps d’un moment d’éveil
…dans une main qui tente de réconforter celle qui s’est fragilisée
…dans les souvenirs que les familles se partagent et qui soudent davantage encore leurs liens d’affection
…dans le soutien de l’entourage
…dans une couverture posée doucement sur le malade et qui l’enveloppe tendrement
…dans une larme qui coule doucement sur la joue et qu’on essuie avec compassion
…dans un plat maison préparé pour faire plaisir même en sachant que le malade n’en prendra peut-être que deux bouchées….

Mais je vois aussi l’amour dans :

…les rayons du soleil qui entrent par la fenêtre et qui réchauffent
…la pluie qui chante une douce mélodie et qui invite à l’intériorité
…les flocons de neige qui tombent tout doucement et qui raniment notre cœur d’enfant
…le vent qui fait danser joliment les arbres
…les feuilles qui se colorent de teintes chaudes à l’automne pour le plaisir de nos yeux
…le chat qui ronronne alors qu’on le caresse et qui soutient de sa présence attentive
…le frais parfum d’un vêtement qu’on vient de laver et qui sent bon la maison
Etc….

Cette liste pourrait s’allonger encore et encore et j’aurais sûrement besoin de plusieurs tomes si je décidais de les répertorier dans un livre. Ces petites choses, on peut les observer tous les jours et pas seulement au chevet d’une personne dont la vie s’achève…le but du voyage, ce n’est pas d’arriver à destination, c’est le voyage lui-même et ce qu’on en fait…mais nous l’oublions trop souvent.

Hélène Giroux
Accompagnatrice
Article écrit en novembre 2016

L’essentiel

J’aime la vie et pourtant je côtoie la mort tous les jours à travers mon métier d’accompagnatrice auprès des personnes en fin de vie. Ça peut sembler une grande contradiction et une notion difficile à saisir de l’extérieur, et pourtant je ne cesse de constater à quel point ces 2 concepts sont interreliés, combien aussi, qu’on parle de l’un ou de l’autre, c’est toujours de la vie dont il est question.

Pourquoi? Parce que quand le temps est compté, on entre rapidement dans l’essentiel et ce sont toutes les petites choses du quotidien qui prennent de la valeur, alors que dans la réalité et la rapidité du quotidien, on ne les voit plus ou n’y accordons pas beaucoup d’attention.

J’apprends donc à leur chevet à m’y attarder :

.des oiseaux qui chantent deviennent une symphonie…
.des flocons de neige qui tombent, un magnifique spectacle…
.une toile d’araignée, une œuvre d’art…
.une fleur qui s’ouvre, un miracle de la nature…
.un simple sourire, la plus belle caresse qui soit….
.une odeur de pain grillé, et des souvenirs qui remontent comme un film…
Et combien d’autres choses encore !

Mais pourquoi devrions-nous attendre d’être arrivé au bout du voyage pour prendre conscience que ces richesses sont là tout autour de nous, tous les jours, qu’elles ne demandent qu’à ce qu’on s’y arrête pour déposer un peu de magie dans nos vies? Une belle réflexion que je vous propose…

Hélène Giroux
Accompagnatrice
Article écrit en avril 2016

Une belle prise de conscience

Déjà rendus en 2016 ! On se répète cette petite phrase  à peu  près à chaque nouvelle année qui débute le calendrier. Mais c’est vrai que le temps passe vite. Je regarde mes deux fils adultes avancer dans la vie et j’ai peine à croire que je les ai un jour portés,  tellement d’eau s’est écoulée sous les ponts depuis. Les années ne filent  pas que pour eux, mais pour moi et mon entourage aussi.

Cette vie que l’on croit éternelle, du moins sur terre, s’étiole petit à petit, me faisant réaliser combien aussi elle est fragile, précieuse et combien il est nécessaire d’en faire quelque chose de significatif. Dans le brouhaha du quotidien, c’est le genre de choses que l’on oublie bien souvent de mettre en perspective parce qu’on croit avoir beaucoup de temps devant nous….

Il faut dire que mon métier d’accompagnante auprès des personnes en fin de vie me le met en lumière constamment. Ça peut sembler déprimant dit comme ça, mais je trouve au contraire que c’est un privilège de me le faire rappeler régulièrement, de me permettre de prendre conscience que c’est une réalité concrète de notre condition humaine, car c’est si facile de l’oublier et de passer à côté de l’essentiel.

À leur chevet, je suis mise face à ce miroir de ma propre finitude. Ils m’offrent alors sans le réaliser, les cadeaux de remises en question fréquentes, d’un regard différent sur ma vie,  de questionnements qui redéfinissent les valeurs avec lesquelles je désire cheminer sur le chemin de ma propre existence.

Alors étrangement, et bien qu’ils se préparent à mourir, ils m’enseignent mes plus belles leçons de vie ! Comment ne pas me sentir privilégiée …

Hélène Giroux
Accompagnatrice
Article écrit en janvier 2016

Faire une différence

Peut-on penser que dans un contexte de fin de vie, qu’il soit encore possible de faire une différence pour l’autre à travers le quotidien ? La mort est tellement un sujet tabou que cela nous semble pratiquement impossible, voire illusoire, car ces moments où la vie s’achève sont davantage perçus comme déprimants et inutiles. Mais c’est oublier que tant qu’il y a un souffle, la vie est encore présente.

Ce regard sur l’autre peut avoir un impact réel dans l’expérience de chacune des personnes concernées. On dit souvent « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ». L’espoir de quoi me direz-vous ? Non, pas celui de la guérison ou de changer le cours des choses…mais plutôt celui de pouvoir encore préserver avec l’autre cette connexion intime qui nous relie à la vie.

Et ne croyez pas que vous deviez poser des gestes extraordinaires…je dirais même qu’ici, la moindre petite chose devient précieuse; comme par exemple de partager un souvenir commun, de faire sourire le temps de quelques instants, d’apporter une petite gâterie que l’autre aimait particulièrement ou bien simplement d’offrir une présence chaleureuse.

Il s’agira peut-être aussi d’un regard rempli de compassion, de tendresse ou d’affection, mais qui offrira à l’autre le sentiment profond d’être encore quelqu’un, de se trouver toujours dans la vie, lié à ceux et celles qui l’entourent. Et que dire d’un toucher tendre et délicat qu’on utilise tout naturellement quand il s’agit d’un nouveau-né, mais dont on ignore les bienfaits instantanés chez celui que l’inconnu effraie.

Et quand la parole et le contact visuel ne sont plus possibles, que peut-on faire alors sinon se sentir inutiles et démunis…. C’est oublier qu’il reste encore le puissant pouvoir d’une présence consciente et remplie de chaleur humaine et d’affection, qui aura la capacité, même de manière invisible, d’apaiser l’atmosphère et de rayonner sur l’autre qui prépare son départ.

Oui, il est encore possible de faire cette différence.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit en août 2016

Le temps du bilan

Une année qui se termine et une autre qui débute est bien souvent l’opportunité de faire un bilan du temps qui s’est écoulé, mais également de faire une remise en question et de définir de nouvelles priorités.

C’est exactement ce que vivent les personnes en fin de vie à cette étape cruciale de leurs parcours. Un temps où la vie prend un autre sens, cette fois vu à vol d’oiseau, avec une perspective sur les choses tout à fait différente. Cela se fait d’une façon tout à fait naturelle et sans que nécessairement la personne en soit consciente, mais donne un sens à ce qui a été et à ce qui est.

Nous sommes ici pour évoluer, alors rares sont les personnes qui n’ont aucun regret,  n’ont traversé aucun obstacle ou jamais vécu de moments difficiles. Ce temps d’introspection leur permet donc d’analyser et de prendre conscience de tout le chemin parcouru, de ce qui aurait pu être différent s’ils avaient encore du temps et il ne faut pas croire que cela se fait nécessairement dans la tristesse, car il y a une grande lucidité à ce moment.

Beaucoup saisisse cette période pour demander pardon, renouer des liens ou simplement dire je t’aime, ce qui leur permet d’alléger leur bagage avant le grand voyage et de pouvoir quitter le cœur en paix.

Mais est-ce nécessaire d’attendre la fin de notre parcours pour saisir cette opportunité de donner un sens nouveau à notre vie, d’avoir de meilleures relations avec les gens ou simplement d’être plus authentique…je vous offre cette réflexion en ce début d’année.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure conférencière
Écrit en janvier 2016

www.facebook.com/accompagnementetsoins

Les deuils de la vie

Un deuil de vie, ce n’est pas seulement le départ d’un être cher après une longue maladie, c’est aussi un enfant qui quitte la maison pour poursuivre ses études ou s’installer dans une autre contrée, un déménagement où l’on doit refaire tous ses repères et créer de nouveaux liens sociaux, une séparation qui nous déstabilise un moment, la vente de la maison familiale et des souvenirs accumulés au fil d’un parcours, un changement d’emploi qui nous demande mille et un rajustements quotidiens, le corps qui se modifie avec le temps et qui nous montre ses faiblesses…et combien d’autres choses
encore !

La vie est  une suite de tous ces petits et grands deuils dont nous préférerions bien nous passer dans notre existence. Mais chacun d’entre eux nous offre l’opportunité de nous dépasser, de grandir, d’apprendre, de développer en nous ces forces de résilience, d’adaptabilité, de retenir de précieuses leçons qui nous permettront de faire un autre bout de chemin. Et j’ai remarqué au fil de mes expériences de vie que ce sont bien souvent les moments les plus exigeants, qui nous amènent le plus souvent à cheminer…pas tout de suite j’en conviens, mais dans le temps, après que nous acceptions de regarder les choses d’une autre perspective.

Je me souviens d’une époque où la maison que j’habitais a été détruite par le feu. Mon conjoint de l’époque avait perdu son emploi depuis un moment et était déprimé, mes deux fils avaient 10 et 11 ans, je travaillais seulement quelques heures semaine…cet événement où nous avons tout perdu ne venait pas améliorer notre situation et nous avons dû dépendre de la charité de notre entourage et de la communauté, pour se réinstaller quelque part et tenter de reprendre le cours du quotidien.

J’ai toujours cru que rien n’arrivait pour rien…et bien que sur le coup je ne comprenais nullement pourquoi cela se rajoutait à nos difficultés déjà bien présentes, j’ai tout de même rapidement réalisé que cet événement où le matériel était réduit en cendres, me connectait avec l’essentiel des valeurs qui donnent du sens à la vie : l’entraide, la collaboration, la générosité, l’ouverture, l’affection, l’écoute, l’amour véritable…Je dois avouer que j’ai appris dans cette situation l’une des plus belles leçons de mon parcours…soit que lorsqu’on pense n’avoir plus rien, il reste encore l’essentiel.

Je regarde aujourd’hui mon métier d’accompagnatrice auprès des personnes en fin de vie et qui me demande continuellement de lâcher-prise sur des gens avec lesquels j’ai créé des liens…..et je me dis que la vie est tellement bien orchestrée ! Ce lâcher-prise important que j’ai dû faire au moment où j’ai tout perdu, me permet aujourd’hui de les laisser poursuivre leur chemin, libre de toute attache de part et d’autre et de pouvoir ensuite continuer ma route vers d’autres gens qui ont besoin de mes services.

La vie ne pouvait pas mieux me préparer à œuvrer dans cette direction.
Acceptons que la vie est parfaite et que tout a sa raison d’être dans notre évolution.
Cette vision aide grandement à préserver l’espoir que les leçons se présenteront au moment opportun….

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit en juillet 2016