L’essentiel

J’aime la vie et pourtant je côtoie la mort tous les jours à travers mon métier d’accompagnatrice auprès des personnes en fin de vie. Ça peut sembler une grande contradiction et une notion difficile à saisir de l’extérieur, et pourtant je ne cesse de constater à quel point ces 2 concepts sont interreliés, combien aussi, qu’on parle de l’un ou de l’autre, c’est toujours de la vie dont il est question.

Pourquoi? Parce que quand le temps est compté, on entre rapidement dans l’essentiel et ce sont toutes les petites choses du quotidien qui prennent de la valeur, alors que dans la réalité et la rapidité du quotidien, on ne les voit plus ou n’y accordons pas beaucoup d’attention.

J’apprends donc à leur chevet à m’y attarder :

.des oiseaux qui chantent deviennent une symphonie…
.des flocons de neige qui tombent, un magnifique spectacle…
.une toile d’araignée, une œuvre d’art…
.une fleur qui s’ouvre, un miracle de la nature…
.un simple sourire, la plus belle caresse qui soit….
.une odeur de pain grillé, et des souvenirs qui remontent comme un film…
Et combien d’autres choses encore !

Mais pourquoi devrions-nous attendre d’être arrivé au bout du voyage pour prendre conscience que ces richesses sont là tout autour de nous, tous les jours, qu’elles ne demandent qu’à ce qu’on s’y arrête pour déposer un peu de magie dans nos vies? Une belle réflexion que je vous propose…

Hélène Giroux
Accompagnatrice
Article écrit en avril 2016

Le temps

La vie s’écoule comme les grains de sable dans un sablier, parfois trop lentement, parfois beaucoup trop vite…cela dépend de la perspective avec laquelle on regarde aller les choses. Au chevet des mourants, je suis souvent confrontée à cette dimension de notre réalité terrestre, le temps.

Je me rappelle que toute jeune lorsque je m’amusais dehors à construire des maisons avec des couvertures et des boites de carton, que les journées, à mon grand désarroi, passaient beaucoup trop vite et que même entrer chez moi pour aller prendre un repas semblait être du temps précieux gaspillé, trop absorbée par mon jeu passionnant !

Puis étrangement à l’adolescence, le temps s’est étiré à n’en plus finir…le mal-être intérieur semblait ne plus vouloir me donner de répit, l’impression de ne pas habiter ce corps, de ne pas avoir ma place en ce monde était pénible et d’une longueur désespérante. J’avais si hâte d’accéder à ma liberté, à plus d’autonomie  à une confiance que je souhaitais acquérir en devenant adulte. Je regardais les gens de 50 ans et ils me semblaient si vieux !

Aujourd’hui, c’est moi qui ai la cinquantaine avancée et j’avoue que loin de me sentir vieille, j’ai même encore parfois l’impression d’être toujours une adolescente, avec une certaine sagesse, fort heureusement. C’est donc avec étonnement que je regarde les transformations physiques et psychologiques s’effectuer chez moi, comme si j’en avais perdu un grand bout et qui me font réaliser combien d’eau s’est écoulée sous les ponts depuis ma jeunesse!

Je regarde les gens rendus à l’étape de la retraite et étrangement, ils manquent eux aussi de temps, ne peuvent faire tout ce qu’ils voudraient…est-ce pour avoir trop attendu pour réaliser leurs rêves ?….Alors que certains ne se rendront même pas là….

Au chevet des mourants, pressés qu’ils sont par l’urgence de vivre intensément chaque minute qui restent, ils réalisent à quel point le temps est compté…encore une fois , mais les moments qu’ils passent auprès des leurs sont souvent malgré tout très riches de sens.

La vie est ainsi faite, composée de ces grandes contradictions, mais c’est aussi ce qui en fait toute sa beauté, car elle nous invite sans cesse à nous remettre en question et à redéfinir le sens de notre quotidien.

Hélène Giroux
Accompagnatrice
Article écrit en juin 2016

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