Le temps

La vie s’écoule comme les grains de sable dans un sablier, parfois trop lentement, parfois beaucoup trop vite…cela dépend de la perspective avec laquelle on regarde aller les choses. Au chevet des mourants, je suis souvent confrontée à cette dimension de notre réalité terrestre, le temps.

Je me rappelle que toute jeune lorsque je m’amusais dehors à construire des maisons avec des couvertures et des boites de carton, que les journées, à mon grand désarroi, passaient beaucoup trop vite et que même entrer chez moi pour aller prendre un repas semblait être du temps précieux gaspillé, trop absorbée par mon jeu passionnant !

Puis étrangement à l’adolescence, le temps s’est étiré à n’en plus finir…le mal-être intérieur semblait ne plus vouloir me donner de répit, l’impression de ne pas habiter ce corps, de ne pas avoir ma place en ce monde était pénible et d’une longueur désespérante. J’avais si hâte d’accéder à ma liberté, à plus d’autonomie  à une confiance que je souhaitais acquérir en devenant adulte. Je regardais les gens de 50 ans et ils me semblaient si vieux !

Aujourd’hui, c’est moi qui ai la cinquantaine avancée et j’avoue que loin de me sentir vieille, j’ai même encore parfois l’impression d’être toujours une adolescente, avec une certaine sagesse, fort heureusement. C’est donc avec étonnement que je regarde les transformations physiques et psychologiques s’effectuer chez moi, comme si j’en avais perdu un grand bout et qui me font réaliser combien d’eau s’est écoulée sous les ponts depuis ma jeunesse!

Je regarde les gens rendus à l’étape de la retraite et étrangement, ils manquent eux aussi de temps, ne peuvent faire tout ce qu’ils voudraient…est-ce pour avoir trop attendu pour réaliser leurs rêves ?….Alors que certains ne se rendront même pas là….

Au chevet des mourants, pressés qu’ils sont par l’urgence de vivre intensément chaque minute qui restent, ils réalisent à quel point le temps est compté…encore une fois , mais les moments qu’ils passent auprès des leurs sont souvent malgré tout très riches de sens.

La vie est ainsi faite, composée de ces grandes contradictions, mais c’est aussi ce qui en fait toute sa beauté, car elle nous invite sans cesse à nous remettre en question et à redéfinir le sens de notre quotidien.

Hélène Giroux
Accompagnatrice
Article écrit en juin 2016

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La peur de la mort

Lors d’une récente entrevue, on m’a posé la question, « Pourquoi avons-nous peur de la mort ? » J’avoue que je n’ai pas trouvé de réponse précise à offrir. On entend souvent dire qu’on craint davantage la souffrance que la mort, mais à mon avis, cette question mérite une réflexion bien plus profonde encore sur laquelle je continue de méditer.

A-t-on peur de la mort parce que nous n’avons plus de repères ? La religion occupait autrefois une place très importante pour le sens du parcours terrestre et les valeurs sur lesquelles le quotidien était centré. Je suis loin d’affirmer qu’on doive revenir à ces temps qui étaient répressifs et limitatifs, mais on a peut-être jeté le bébé avec l’eau du bain….

Serait-ce parce que notre société est beaucoup trop axée sur le « Faire », la compétition, la productivité et la jeunesse éternelle ? Il est sûr que cela n’aide en rien de se savoir démuni ou dépendant par la maladie et d’avoir l’impression d’être inutile, sans identité personnelle, de ne plus être considéré comme un être humain à part entière à cause d’un corps détérioré et d’une vie qui s’achève….

Serait-ce par peur de la séparation d’avec les nôtres ? Cette question pèse lourd dans la balance. Étant des êtres de relation, il est certain qu’on ne souhaite pas cette séparation, qu’on veut l’éviter le plus longtemps possible et qu’on s’accroche même parfois farouchement à ceux et celles qui nous entourent.

Mais serait-ce aussi une question de vision et de croyance ? C’est à mon avis fort possible. Je regarde mon cheminement depuis que j’accompagne des gens en fin de vie et je peux sincèrement dire que ma vision de cette étape s’est beaucoup transformée au fil des années et des nombreux accompagnements effectués.

Je crois que tout en cette vie a un sens… même la mort. Et je ne crois plus au fait que nous vivrons une séparation d’avec les nôtres, puisque cette vie se continu dans une autre dimension, sous une autre forme.  C’est ma croyance personnelle et je ne dis pas que vous deviez la partager…mais je vous invite de votre côté à vous poser sérieusement la question, à y réfléchir et à vous faire votre propre idée. Que croyez-vous ?

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit en oct. 2016