Honorez la mort comme la vie

La mort est encore pour plusieurs, un sujet tabou. On la voit bien souvent comme la fin de tout. Ceci étant dit, nous avons tout intérêt à prendre conscience que la mort est une étape sacrée de notre parcours de vie, car cette expérience est toute aussi importante que celle de la naissance et que toutes les autres étapes qui se situent entre les deux. Honorer la mort nous aide à l’apprivoiser et à donner un sens encore plus grand à notre existence.

La mort unit toutes les formes de vie, car tout ce qui vit, mourra un jour. Elle représente le point culminant de tout l’accomplissement d’un être au cours de son existence et peu importe l’âge à laquelle on y fait face, la mort est une étape importante, tant pour la personne qui quitte  le plan terrestre que pour ceux qui y demeurent. Il n’y a pas d’erreur ou de fin prématurée en regard du grand plan de la vie.

Il peut être réconfortant de croire que nous soyons destinés par notre passage sur terre à accomplir quelque chose et faire une différence. Il est vrai qu’au moment de la mort notre existence se poursuit; une parcelle de nous demeure vivante par les moments que nous avons partagés avec autrui, l’amour que nous avons semé. Chaque être humain a le potentiel de transmettre un savoir et de faire sa part dans le grand projet collectif qu’est l’humanité. Quand la mort se manifeste, le travail se poursuit par la contribution apportée.

La mort peut être vue comme une injustice et peut même parfois paraître cruelle, elle est pourtant une étape naturelle et inévitable sur notre chemin de vie.

Saluer ce qui a été, permet au moment de la mort d’une personne qui nous est chère, de garder le meilleur de son parcours. Nous pouvons ainsi être reconnaissants de l’avoir connu lors de son passage dans notre vie et poursuivre notre route avec plus de sérénité, chacun continuant son chemin dans des directions différentes. L’amour que nous avons pour la personne continu d’exister. Son âme, et les souvenirs qui sont liés à elle demeurent. En mettant  l’emphase sur cet héritage, on développe la conscience que cela restera toujours en nous, au-delà du temps.

La mort fait partie de la vie. Et, honorer la mort c’est célébrer la vie. Célébrer la vie, c’est accueillir la mort comme l’occasion d’un chemin qui se poursuit.

Principe élaboré dans le livre de Lise Marie Boudreau – « Congédiez vos gourous », publié en septembre 2017, Éditions Le Dauphin Blanc

 

 

Un ange nommé Hélène Giroux

Article écrit par la journaliste Isabelle Maher et publié sur le blog du site : www.lederniermot.com
Service de rédaction professionnelle de récits nécrologiques permanents.

 

La télé hurlait à pleine tête dans la petite chambre d’hôpital. Pierrette vivait les dernières heures de sa vie. Au chevet de la dame de 76 ans, son fils et sa nièce, Hélène Giroux.

« La voisine de lit se mêlait de notre conversation par-dessus le son de sa télévision. Je ne pouvais pas croire que ma tante allait mourir comme ça », se disait Hélène qui a demandé et obtenu que la patiente soit installée dans un endroit plus paisible de l’hôpital.

« On nous a trouvé un petit coin tranquille. Nous avons fait jouer Les Quatre Saisons de Vivaldi. Elle a attendu à la toute fin et elle est partie. C’était un cadeau de me permettre d’être là », raconte, encore émue, celle qui venait d’accompagner son premier humain dans la mort.

Depuis 10 ans, Hélène Giroux a tenu la main de plus de 200 personnes jusqu’aux derniers moments de leur vie, presque toujours à leur domicile, moins de deux mois avant leur décès. Sa clientèle est âgée entre 54 et 62 ans, des cas de cancer pour la très vaste majorité.

« Chaque fois, c’est différent, chaque humain est unique. Chaque fois, je développe de nouveaux outils. Je ne saurai jamais tout de l’accompagnement des mourants », affirme-t-elle.

Contrairement à la croyance populaire, accompagner des mourants n’a rien de triste ou de déprimant. Les gens ne voient que les mauvais côtés de la mort, observe l’accompagnatrice de 57 ans qui se dit pourtant honorée d’accompagner les gens en fin de vie.

Quand le superficiel prend le bord

« On va à l’essentiel quand le temps est compté. Le superficiel prend le bord lorsque l’on est dans l’urgence, on ne parle pas de la météo… », explique celle qui a d’abord brièvement travaillé comme préposée aux bénéficiaires avant de suivre une formation de bénévole en soins palliatifs à la Maison Albatros.

Hélène Giroux, accompagnatrice

Beaucoup de gens préfèrent mourir à la maison, observe madame Giroux. Les familles des personnes en fin de vie qui font appel aux services de l’accompagnatrice sont souvent complètement démunies, elles ne dorment plus et sont épuisées.

« Certains ne veulent rien savoir d’un accompagnement. D’autres attendent trop avant de demander de l’aide. Pourtant, je suis convaincue que mon travail est essentiel. Après le décès, il reste entre nous un lien spécial, c’est tellement intense », confie-t-elle.

Comme tout le monde, Hélène ignore tout du moment où la mort viendra. C’est toujours surprenant, dit-elle, mais certains signes ne mentent pas. Parfois, des familles se confortent en projetant la personne en fin de vie dans certains projets qui auront lieu dans beaucoup trop longtemps.

« Mon rôle est aussi de les ramener délicatement à la réalité en leur disant de peut-être penser à plus court terme », raconte-t-elle.

Être présent auprès des gens confrontés à la mort ne se résume pas à leur tenir la main, explique Hélène Giroux. Accompagner, c’est aussi rassurer la famille qui affronte ce grand tabou. La mort est une « expérience sacrée » devant laquelle il faut rester humble et suivre le rythme du patient, ajoute-t-elle.

« Notre travail n’est pas de les amener à la sérénité. Ce n’est pas moi qui décide. Le maître, c’est celui qui est en train de mourir. Il faut rester là et lui donner le droit de vivre ce qu’il a à vivre, insiste-t-elle. Dans un accompagnement, il n’y a ni croyance ni religion. On accompagne un humain. »

Après la mort, l’accompagnatrice ne quitte jamais la famille avant que le corps ne soit emmené. C’est elle qui prévient le CLSC pour qu’un médecin vienne constater le décès. Elle communique également avec le salon funéraire désigné afin que les employés viennent chercher la dépouille.

« Je m’occupe de la toilette du défunt, je l’habille selon les volontés de la famille, je range tout le matériel médical et je m’assure que chacun ait la chance de bien saluer l’être aimé. Après le départ du défunt, je refais le lit et j’y dépose une fleur », relate-t-elle.

La mort enrichit la vie

Celle qui a vu mourir tant de gens croit que la mort enrichit la vie, c’est un grand honneur d’assister à la mort de quelqu’un que l’on a aimé, plaide-t-elle. Pourtant, comme bien des gens, Hélène Giroux a déjà eu peur de la mort. Avec le temps, sa vision a bien changé.

« Plus ça va, plus je pense que nous avons tous notre humble part à apporter dans ce monde pour faire une différence. L’âge de notre départ n’a pas d’importance. La mort est un passage, ton corps physique te quitte parce qu’il a fait ce qu’il avait à faire », pense-t-elle.

Accompagner des humains dans la mort et en faire un travail demeure très marginal. C’est aussi le premier service qui prend le bord à l’heure des coupures dans les soins de santé. Il n’est pourtant pas exagéré de dire que c’est un service essentiel, croit Hélène Giroux.

« Peu de gens sont préparés ou informés sur le processus de la mort. Que ce soit des proches aidants au chevet d’un mourant et même des soignants du milieu des CHSLD et des hôpitaux, tous manquent d’outils et de connaissances », observe-t-elle.

Auteure de trois ouvrages sur ce sujet qui la passionne, Hélène Giroux se sent encore souvent comme une « défricheuse ».

Une défricheuse devant la grande faucheuse.

Isabelle Maher

Qu’est-ce qui reste à la fin ?

Et si je vous annonçais aujourd’hui qu’il ne vous reste que quelques semaines à vivre ? Oui, oui…. n’importe qui pourrait un jour ou l’autre avoir à faire cette réflexion dans son parcours. Et si vous preniez vraiment un peu de temps pour y réfléchir vraiment, pour en faire l’expérience ?

Est-ce vous voudriez par exemple, travailler plus d’heures pour pouvoir accumuler davantage dans votre compte de banque avant de partir ? Est-ce que vous encourageriez le fait d’avoir des relations conflictuelles avec votre entourage ? Est-ce que vous placeriez votre avoir à la bourse pour le faire fructifier ?Voudriez-vous vous procurer une voiture de luxe ?

Je ne vous connais pas personnellement, mais je suis certaine qu’aucune de ces réponses ne seraient la vôtre. Pourquoi ? Parce que quand le temps est compté et que la vie se raccourcit, toutes ces choses matérielles que l’on a accumulées ne veulent plus rien dire. Elles n’ont plus aucune importance car de toute façon, on n’emporte rien de tout cela de l’autre côté.

Qu’est-ce qui reste alors ? L’amour que l’on a reçu et distribué et celui que l’on peut encore donner ! Lorsqu’on fait le bilan à la fin de notre existence, ce sont seulement ces gestes posés ou ces attentions reçues, qui donneront du sens, pas seulement au temps passé ici-bas, mais aussi qui donneront du sens à la fin de notre voyage ici-bas.

Quant au moment du grand départ, on fera le bilan de cette vie qui fut nôtre, l’amour reçu et partagé sera ce qui nous apportera le plus de satisfaction intérieure et de joie; la joie d’avoir rempli notre mission, d’avoir semé de nombreuses petites graines qui feront à leur tour et au moment opportun, une différence pour autrui. Voilà notre raison d’être ici en ce monde.

Faire une différence

Peut-on penser que dans un contexte de fin de vie, qu’il soit encore possible de faire une différence pour l’autre à travers le quotidien ? La mort est tellement un sujet tabou que cela nous semble pratiquement impossible, voire illusoire, car ces moments où la vie s’achève sont davantage perçus comme déprimants et inutiles. Mais c’est oublier que tant qu’il y a un souffle, la vie est encore présente.

Ce regard sur l’autre peut avoir un impact réel dans l’expérience de chacune des personnes concernées. On dit souvent « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ». L’espoir de quoi me direz-vous ? Non, pas celui de la guérison ou de changer le cours des choses…mais plutôt celui de pouvoir encore préserver avec l’autre cette connexion intime qui nous relie à la vie.

Et ne croyez pas que vous deviez poser des gestes extraordinaires…je dirais même qu’ici, la moindre petite chose devient précieuse; comme par exemple de partager un souvenir commun, de faire sourire le temps de quelques instants, d’apporter une petite gâterie que l’autre aimait particulièrement ou bien simplement d’offrir une présence chaleureuse.

Il s’agira peut-être aussi d’un regard rempli de compassion, de tendresse ou d’affection, mais qui offrira à l’autre le sentiment profond d’être encore quelqu’un, de se trouver toujours dans la vie, lié à ceux et celles qui l’entourent. Et que dire d’un toucher tendre et délicat qu’on utilise tout naturellement quand il s’agit d’un nouveau-né, mais dont on ignore les bienfaits instantanés chez celui que l’inconnu effraie.

Et quand la parole et le contact visuel ne sont plus possibles, que peut-on faire alors sinon se sentir inutiles et démunis…. C’est oublier qu’il reste encore le puissant pouvoir d’une présence consciente et remplie de chaleur humaine et d’affection, qui aura la capacité, même de manière invisible, d’apaiser l’atmosphère et de rayonner sur l’autre qui prépare son départ.

Oui, il est encore possible de faire cette différence.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit en août 2016

L’amour

Le mois de février est depuis longtemps considéré comme le mois de l’amour. Je suis gourmande, un mois ne me suffit pas pour le vivre, l’exprimer, en distribuer partout sur mon passage !

Je ne parle pas ici simplement de l’amour d’un être pour une autre personne…je parle de l’amour universel. Celui qui donne son sens même à notre existence !

Je suis convaincue que notre mission à tous ici-bas c’est justement de répandre sur autrui, sur le monde entier, le plus d’amour possible. Je crois profondément que l’amour guérit tout, qu’il élève celui qui en bénéficie, qu’il soigne celui qui souffre, qu’il apporte réconfort à celui qui est triste, qu’il peut même faire des miracles !

À travers les accompagnements que j’ai effectué auprès des personnes en fin de vie, j’ai appris que ce qui donne du sens à la vie, mais aussi à la mort, ce n’est pas ce qu’on a accumulé dans notre existence, ni la notoriété qu’un emploi nous aura apporté, ni la reconnaissance sociale, ni ce qu’on est devenu, ni ce que contient notre compte de banque ou le nombre de placements effectués…..ce qui donne du sens et qui reste à la fin, quand tout devient futile, c’est l’amour.

L’amour est le plus bel héritage de notre parcours terrestre, celui qui permet, même lorsque la vie s’étiole, de regarder derrière et de se dire combien on a été privilégié, combien on a grandi, de quelle façon on a pu faire une différence pour autrui et d’en être fier.

L’amour est le message ultime de cette vie. Lorsqu’on saisit cela, plus rien n’est pareil,  la vie comme la mort peuvent désormais avoir un sens !

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit en février 2016

Entrevue avec Hélène Giroux, Million-Être

Cette semaine je vous présente Hélène Giroux, qui après avoir été abonnée au blogue depuis un bon moment, s’est reconnue comme une Million-être et j’en suis honoré. J’ai été touché par son partage, sa mission de vie comme accompagnatrice en fin de vie.

Il me fait plaisir de vous inviter à entrer dans son univers, et peut-être aussi le vôtre puisque la mort fait aussi partie de la vie et que de vivre le sens de sa vie permet de donner aussi un sens à la mort.

Hélène Giroux 

 


À ce jour, quelle est la contribution qui vous a procuré la plus grande satisfaction et qui, selon vous, contribue à créer un monde meilleur?

J’accompagne des gens en fin de vie qui souhaitent terminer leurs jours à la maison et cette vocation donne tout un sens à mon existence. Le patient a besoin de soins, d’écoute et de chaleur humaine, mais la famille éprouvée nécessite également d’être secondée, épaulée et réconfortée dans ces moments difficiles de la perte prochaine d’un être cher. Ce rôle d’accompagnatrice est donc fort apprécié des familles que je côtoie, car leur implication émotive empêche bien souvent d’avoir un regard objectif sur la situation. Par contre, guidée à travers cette expérience, la famille peut apprendre à apprivoiser chacune des étapes conduisant vers la mort. Je sais que j’ai accompli ma mission lorsque après le décès, les proches me témoignent que je leur ai permis de transformer cette période insécurisante en expérience positive malgré la tristesse. Cela va même parfois jusqu’à modifier leur vision de la mort. De se sentir ainsi accompagnés leur permet également de traverser les étapes du deuil plus sereinement. Comme être humain, ressentir cette connection profonde à un moment aussi sacré de l’existence me comble de gratitude.

Quel événement, quelle personne ou prise de conscience vous a incité à vous engager de cette façon et qu’est-ce que ça vous a apporté?

Alors que je ne travaillais pas dans cette sphère d’activité, une tante proche a reçu un diagnostic de tumeur cérébrale et j’ai tout de suite eu le désir de l’accompagner. Cette décision venait du cœur, mais je n’avais aucune idée à ce moment à quel point je me sentirais interpellée par ce métier hors de l’ordinaire. J’ai donc réorienté ma carrière et suis allé suivre une formation de préposée pour être en mesure de pouvoir donner des soins. Après l’obtention de mon diplôme, déçue par les milieux de santé traditionnels, j’ai rapidement choisi d’œuvrer spécifiquement auprès des mourants; métier davantage en harmonie avec les valeurs qui me sont chères et qui s’attardent à l’humain plutôt que simplement à la maladie. Côtoyer les mourants me permet de demeurer dans l’instant présent, de mettre en valeur ce qui m’importe dans la vie, d’avoir des rapports plus authentiques avec les gens . C’est donc un métier extraordinaire qui me rend très heureuse !

Que souhaitez-vous que l’on dise de vous après votre passage terrestre?

Que j’ai déposé des semences d’amour partout sur mon passage et que j’ai fait une différence dans la vie des gens qui ont eu le bonheur de croiser ma route.

Avez-vous créé des œuvres littéraires, musicales, artistiques ou autres que vous aimeriez faire découvrir à nos lecteurs? (énumérez les principales seulement)

Pour aider les gens à démystifier et à apprivoiser ce sujet difficile, j’ai écris et fait publier un livre intitulé, « Le privilège d’accompagner…choisir de côtoyer la mort », aux Éditions La Plume d’Oie. Ce projet est un grand rêve que je caressais depuis longtemps et que j’ai réalisé après 2 ans de travail d’écriture. Je constate en pratiquant ce métier que beaucoup de gens se sentent interpellés par le sujet et qu’ils ont toujours de nombreuses questions à me poser. Il faut dire que même en 2012, la mort reste encore un sujet tabou que peu de gens osent aborder ouvertement et que lorsqu’il en est question, c’est plutôt dans des termes sombres. Parce que j’ai le privilège de côtoyer les mourants dans mon quotidien, je suis à même de pouvoir échanger sur la question en faisant davantage ressortir les aspects positifs….car oui, il y en a ! Ce livre offre la possibilité aux gens d’ouvrir une porte dans une direction inexplorée pour pouvoir ensuite percevoir les choses avec un regard neuf. Bien que cet ouvrage parle de la mort, c’est bien plus d’un hymne à la vie dont il est question.

Y-a-t-il un message particulier que vous aimeriez transmettre de plus?

J’ai conscience que pour beaucoup de gens, la mort est un sujet difficile à aborder…mais j’aimerais leur dire que la mort peut s’apprivoiser. Au même titre que la naissance, elle fait partie des étapes que nous aurons à franchir sur notre parcours, qui que nous soyons. J’ai moi-même appris qu’apprivoiser la mort, c’est aussi apprendre à vivre…aussi étrangement que cela puisse paraître.
Merci Hélène de contribuer à un monde meilleur – Daniel Giguère coach (sept.2012)

Quelles sont les coordonnées pour vous rejoindre?

Nom : Hélène Giroux
Courriel :  hegir@hotmail.com
www.facebook.com/accompagnementetsoins

Profession: accompagner les mourants

Quel étrange métier me diront certains !

On croit à tort que côtoyer la mort doit être fort déprimant et qu’une personne la moindrement intelligente ne choisirait pas un tel travail dans le quotidien. En fait il ne s’agit pas d’un travail mais d’une vocation, car il est question ici de l’humain. Et je ne crois pas non plus qu’on choisisse ce métier…cela vient d’un appel intérieur et demande tout de même un certain vécu pour s’y sentir à l’aise.

Beaucoup de gens, à moins d’être confronté à une telle situation…et encore….ignore même qu’il existe des gens, tout comme je le fais, qui font ce métier et qu’il est possible d’être accompagné dans de telles circonstances. Il faut savoir qu’il existe plusieurs possibilités aujourd’hui pour terminer ses jours. Certaines personnes se retrouvent dans un hôpital, d’autres dans des maisons spécialisées comme il en existe plusieurs au Québec ou encore ont le désir de mourir à la maison, entouré de leurs proches, dans un environnement qui leur est familier. C’est principalement là que j’œuvre dans le cours de mon travail.

Accompagner, c’est avant tout assurer une présence chaleureuse et sécurisante auprès du malade et de ses proches. Cela nécessite d’entrer dans leur intimité, dans un espace sacré et très personnel. Mais tous ont tellement besoin à ce moment qu’il est rare que le contact ne soit pas positif. La chaleur humaine, le respect de la dignité et des valeurs de chacun sont des qualités primordiales dans ce métier. Le patient se trouve alors dans ce que l’on appelle les soins palliatifs. Il n’est pas abandonné par le système médical, mais on ne parle plus ici de guérir, mais plutôt de rendre confortable. Le patient reçoit donc tout ce qui peut répondre à ce besoin, que ce soit en équipement, en soins, en médicaments. Et comme accompagnatrice, je peux répondre à tout cela dans son quotidien, les priorités étant de lui offrir de l’aide physique, psychologique et spirituelle. Son pronostic est d’habituellement moins de 2 mois.

Je sais donc pertinemment à quoi m’attendre et ce que sont les objectifs de mon travail. Nul surprise alors au moment du décès. Je connais bien les signes qui m’indiquent que la fin se rapprochent et ils me servent de guides pour évaluer la situation, répondre aux besoins du patient et préparer la famille à ce qui s’en vient. Le but principal des soins palliatifs est de donner une certaine qualité de vie au temps qui reste et bien que ce soit difficile à imaginer, il y a encore dans cette étape de vie des moments d’humanité extraordinaires ! Lorsque le patient décède, j’ai davantage la satisfaction d’avoir pu faire une différence dans ce bout de chemin difficile d’accès pour la plupart d’entre nous.

Malgré la tristesse de perdre un proche, la plupart des gens pour lesquels j’ai ainsi accompagné un proche, ont à l’unanimité exprimé à quel point cette expérience avait été formatrice. Tous en sortent positivement bouleversés, voyant la mort autrement, l’ayant quelque peu apprivoisée. Cela change considérablement leur vision des choses et est souvent transformatrice pour leur propre parcours. Bien des préjugés tombent, des peurs s’atténuent considérablement.

Quant à moi je suis toujours émerveillée de constater à quel  point l’humain est d’une richesse intérieure incroyable, car au delà de leur corps détérioré, c’est davantage à l’âme que je touche…et de cela je me sens extrêmement privilégiée.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure et conférencière
Écrit pour le blog de Thibault, mars 2013

www.facebook.com/accompagnementetsoins
hegir@hotmail.com

« Le privilège d’accompagner….choisir de côtoyer la mort », aux Éditions La Plume D’Oie
Mai 2012 (disponible par l’auteure)

L’apprentissage de la vie au seuil de la mort

Oser dire que je côtoie la mort par choix fait toujours grandement réagir les gens que je croise sur ma route.

Cette réalité fait tellement partie de mon quotidien que j’oublie parfois que la mort est encore un sujet tabou. Elle est pourtant inscrite dans notre plan de vie dès le moment de notre naissance et est le chemin pour chacun d’entre nous ; nous ignorons seulement quand et comment elle surviendra.

Raison de plus à mon avis pour s’en préoccuper, surtout quand je constate que la majorité des gens que j’accompagne ces dernières années sont atteints de cancer et principalement âgés entre 50 et 62 ans. Je peux très bien m’imaginer que ce n’était nullement une option qu’ils envisageaient à cette période de leur vie….

Accompagner les mourants est un métier marginal j’en conviens et beaucoup de gens ignorent même qu’il existe, que des gens sont disposés à soutenir un malade et ses proches, à moins d’avoir été confronté à cette situation. Je n’avais pas prévu non plus aller dans cette direction dans mon plan de carrière, car j’ai moi-même longtemps été rébarbative à aborder le sujet. Les choses ont bien changées.

Jeune, je rêvais de devenir infirmière car j’étais attirée par le milieu hospitalier et j’aimais aider les gens. Mais ma vie a pris une autre direction ; je me suis mariée et ai par la suite consacré plusieurs années de ma vie à l’éducation de mes 2 fils.

J’ai un jour suivi une formation en accompagnement, non pas pour en faire un travail mais comme démarche personnelle pour explorer cette question délicate de la fin de vie. J’ai développé ensuite à ma grande surprise, tout un intérêt pour la question et ma vie a pris un nouveau tournant depuis!

Je me rappelle comme si c’était hier, mon premier accompagnement où la peur de ne pas être à la hauteur me tenaillait. L’expérience s’est toutefois avérée très positive et a été transformatrice, bien au-delà de mes espérances.

J’ai réalisé que les connaissances acquises au fil des ans par mon expérience de vie, les formations, les nombreuses lectures et ateliers étaient fort utiles pour me donner un ancrage, mais qu’ils n’étaient pas les seuls outils nécessaires pour devenir une bonne accompagnatrice.

Davantage encore que les techniques, un amour profond pour l’être humain, un désir de vouloir faire une différence dans le dernier tour de piste et une capacité de pouvoir utiliser l’empathie dans mes contacts avec ces gens étaient plus essentiels encore pour œuvrer dans cette sphère d’activité particulière.

Accompagner est avant tout une vocation et un appel du cœur qui demande à développer de nombreuses forces et qualités : intuition, écoute, sensibilité, respect, patience, générosité etc…. Je compare l’accompagnement des mourants à un cours de croissance personnelle en continue, qui m’interpelle sans cesse à m’interroger, à me remettre en question, qui m’invite aussi par un travail d’intériorité à ne pas prendre les choses de façon personnelle.

Chaque personne que je rencontre, que ce soit le malade ou ses proches m’offrent une occasion extraordinaire de grandir et d’évoluer et je suis sans cesse étonnée de constater tout le cheminement que cela me permet de faire comme être humain.

J’ai toujours cru que notre présence sur terre devait servir à l’évolution de l’humanité et que chaque personne avait un rôle à y jouer pour son avancement. La richesse de chaque être humain m’est confirmée jour après jour. Nous sommes tous riches de potentiel à découvrir et nous nous devons aussi de permettre à chacun de reconnaître sa propre valeur en ce monde. Cette façon de faire et de penser donne tout un sens à mon existence et je suis convaincue qu’elle donnera aussi un sens à ma propre mort.

Cela peut paraître étrange, mais je ne me suis jamais sentie autant vivante et heureuse que depuis que j’accompagne des mourants. La raison en est fort simple ; nous avons malheureusement tendance à prendre les choses et les gens pour acquis, à croire qu’ils dureront toujours. Toutefois, lorsque la mort fait partie de notre paysage quotidien, la conscience que la vie est précieuse et fragile amène naturellement à voir la vie autrement.

Les gens sur le point de mourir sont d’extraordinaires enseignants dont nous devrions privilégier le contact. Malheureusement, la peur de la mort et les tabous reliés à cette étape de vie véhiculés par l’ignorance, invite bien plus souvent à l’éviter ou à la fuir.

Je suis toujours étonnée de réaliser que plus je côtoie les mourants, plus j’aime leur contact. Il faut dire qu’à cette étape de vie, celui-ci n’a plus rien à prouver à personne ; il laisse bien souvent tomber les masques et se trouve davantage dans l’authenticité. Les rapports sont alors plus vrais, se rapprochant même parfois de la spontanéité d’un enfant.

En faisant son bilan de vie, la personne dont le temps est compté a le grand désir de partir le cœur léger, de lester ses bagages ; c’est pourquoi des regrets ou des pardons peuvent s’exprimer, permettant bien souvent une libération salvatrice. Lâcher prise est plus aisé lorsque le cœur est léger. Bien que cela ne soit pas toujours possible, je peux souvent l’observer au fil de mes accompagnements.

Le mourant réalise aussi que l’accumulation de ses biens ou qu’un compte en banque bien garni ne peut être échangé contre un retour à la santé et que tout cela ne peut non plus être amené avec lui au moment du départ. L’impression d’y avoir  investi trop de temps et d’énergie, amène parfois de la tristesse d’être passé à côté de l’essentiel. Malgré ces constatations, la plupart affirment qu’ils ne changeraient rien à leur vie s’il leur était donné de la recommencer.

Le plus beau cadeau que j’ai reçu à accompagner, c’est de constater que la valeur première qui demeure à la fin malgré toutes nos différences est l’amour, fondement même de tout être humain. C’est de cette manière que nous sommes tous inter reliés et que nos actions et nos paroles peuvent avoir un impact significatif sur la vie des gens qui croisent notre chemin. Raison de plus pour faire en sorte que chacune de ses actions, de ses paroles soient posées dans l’objectif d’apporter une différence, de laisser une trace de notre passage sur terre.

Alors que la majorité des gens voient la mort comme une injustice et aborde le sujet en des termes sombres et déprimants, mon contact fréquent avec celle-ci me permet au contraire de regarder les choses différemment, d’y voir davantage les aspects positifs de ces enseignements qui m’apprennent à mieux vivre.

Si j’apprenais qu’il ne me reste que peu de temps à vivre, ne voudrais-je pas utiliser ce précieux temps pour donner du sens à cette dernière étape de mon parcours, pour utiliser chaque journée, chaque heure et chaque minute à sa juste valeur ? Et pourquoi au fait, devrais-je attendre un ultimatum comme une maladie terminale pour vivre avec plus de conscience, pour habiter l’instant présent ou pour avoir des relations significatives avec les gens de mon entourage ? Vivre ainsi au jour le jour changerait beaucoup de choses dans notre existence.

Je suis bien sûr consciente à travers ces contacts particuliers que la mort s’accompagne aussi de tristesse, de souffrances, de deuils multiples, mais comme tout ce qui vit, tout finit aussi par s’éteindre un jour.  Pour moi, la naissance comme la mort sont simplement des passages importants et sacrés de notre parcours terrestre.

Il est normal dans notre façon de voir la vie de souligner la naissance, de la célébrer et la mort à mon sens mériterait autant d’égards, puisqu’elle souligne et honore la vie de celui ou celle qui s’éteint et cela peu importe qui est cette personne.

Toute vie est sacrée car elle enrichie celle de ceux qu’elle croise dans le parcours de sa mission ici-bas. C’est pourquoi je me sens réellement privilégiée de côtoyer tous ces gens et que même le peu de temps qu’il nous ait donné de se connaître devient un cadeau.

Je ne suis pas triste au moment du décès. Connaissant l’objectif de ma démarche auprès de ces gens, je m’applique davantage à donner une valeur au temps qui reste par une qualité de présence. Je peux ainsi dire mission accomplie, tout en éprouvant beaucoup de reconnaissance pour avoir pu rencontrer ces personnes qui m’ont toutes offertes de très belles leçons dans mon parcours de vie.

Je poursuis ensuite ma route, transformée et remplie de gratitude. Tant de personnes ont besoin de ce regard d’amour posé sur eux, particulièrement à un moment aussi déterminant de l’existence que l’approche de la mort. Quelle belle mission que la mienne !

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure et conférencière
Écrit en nov.2015

 

Les derniers moments de la vie…..

J’ai le grand privilège d’accompagner des gens dont il ne reste que peu de temps à vivre…la plupart atteints de cancer à la phase terminale.

Bien que cette étape de vie soit troublante et difficile à envisager pour la majorité, j’ai volontairement choisi d’y œuvrer, de côtoyer la mort tous les jours.

Loin de me sentir déprimée, accompagner les mourants m’a permis de me sentir plus vivante encore, de relativiser les difficultés du quotidien,  d’entretenir des rapports plus significatifs avec les gens qui croisent ma route.

La vocation d’accompagner les mourants n’est pas connue et mériterait d’être soutenue et encouragée, car elle se révèle une aide inestimable pour les malades et leurs proches grandement affectés par cette réalité. Au chevet de ces familles bouleversées, le calme et la sérénité que je dégage leur permet déjà de se sentir en confiance et épaulée, dès les premières approches.

Mes formations et l’expérience acquise auprès des nombreuses personnes en fin de vie que j’ai côtoyée, me donnent les outils nécessaires dont ils ont besoin, pour leur permettre de mieux se préparer aux étapes à venir à travers le processus de fin de vie, ce qui est très rassurant.

Se sentant ainsi épaulées, elles arrivent à cheminer suffisamment pour qu’après le décès, l’expérience s’avère formatrice, malgré la tristesse d’avoir perdu une personne chère, ce qui bien souvent modifie même leur vision de la mort par la suite.

Il faut dire que je m’investis suffisamment pour que chaque geste ait un sens, à travers les différentes étapes qui précèdent la mort. Chaque patient est considéré au même titre qu’un membre de ma propre famille;  les attitudes à avoir sont donc toutes naturelles et empreintes d’empathie, de tendresse et de respect.

Être présente lorsque survient le décès est pour moi le plus beau cadeau, car ce moment du parcours humain est sacré et chargé d’enseignements. C’est également un moment éprouvant pour les proches qui se sentent bien souvent démunis face à la vie qui quitte le corps. Être à leur chevet à cet instant donne donc tout son sens à l’accompagnement.

Le décès ne signifie toutefois pas que mon travail est terminé. Je sais par expérience que même bien préparé, le choc est alors grand et les repères absents. Je veille donc à prévenir le CLSC pour qu’un médecin vienne authentifier le décès et m’occupe également d’aviser le salon funéraire pour planifier le moment où le corps sera récupéré. Ces démarches sont lourdes pour les familles et m’occuper de ces aspects les libèrent grandement.

J’offre ensuite de faire une toilette à la personne décédée et de la vêtir selon les désirs de la famille, pour son départ vers le salon. Ces gestes peuvent sembler anodins, voir même étranges pour certains, mais ils sont toujours très appréciés des familles. S’occuper encore du corps à ce moment permet d’exprimer à la personne aimée, toute l’affection et le respect qu’on lui portait, mais également d’honorer cette vie qui fut sienne.

S’ils le désirent, j’offre aux proches de participer à ce rituel. Ce moment sans temps permet d’offrir encore, tendresse et affection à la personne qu’ils ont connue et de déjà commencer le travail du deuil en prenant conscience de la réalité du décès. Loin d’être macabre, ce moment est vécu chaque fois avec beaucoup de dignité et de douceur.

Il m’arrive assez souvent toutefois, d’effectuer cette tâche seule. Je m’assure que les vêtements choisis soient significatifs pour les proches, ne serais-ce qu’un pyjama confortable que le parent aimait porter. Je fais la barbe si c’est un homme, coiffe les cheveux, parfume le corps si tel est le désir.

Je replace ensuite les couvertures et le corps de façon à laisser une meilleure image de ces derniers instants et libère la chambre de tout le matériel médical, inhabituel dans cet espace qu’est le domicile.

Puis, j’invite la famille à revenir au chevet de la personne décédée et leur suggère de faire les au-revoir, de dire ce qui n’a peut-être pas été dit avant la mort. Un décès à la maison permet fort heureusement de prendre tout le temps nécessaire à ce rituel préparatoire au départ du corps.  Chaque membre de la famille a son vécu avec cette personne et ce moment est fait dans l’intimité pour chacun.

C’est toujours un temps très significatif et marquant pour les proches, mais pas d’une façon négative, comme on pourrait le croire. C’est davantage un espace d’apaisement, où le visage éteint est détendu, libéré de sa souffrance et où l’attente interminable des derniers instants est terminée.

J’attends ensuite les représentants du salon que j’aide dans le déplacement du corps, prenant soin de leur demander de ne pas fermer entièrement la fermeture éclair et de laisser dans l’enveloppe de transport, la tête à découvert.

Ce détail est d’une grande importance auprès des familles et il est primordial de faire respecter cette demande, ce qui permet à la famille d’embrasser le front ou de caresser les cheveux lors du départ final, moment toujours important, même s’il est éprouvant pour chacun.

J’ai pris soin avant de quitter la maison, de refaire le lit et d’y déposer une fleur, naturelle ou artificielle, presque toujours présente à la maison dans ces moments. Certains salons ont également cette délicatesse, lorsqu’ils viennent récupérer le corps.

C’est incroyable comment cette attention touche les familles, car immanquablement, ils reviendront dans la chambre pour confirmer qu’ils n’ont pas rêvés et que le décès s’est vraiment produit. Cette dernière image est un baume qui amorce en douceur le long travail du deuil.

Je leur fait un dernier câlin et reviens chez moi le cœur rempli de gratitude, pour avoir eu le privilège de vivre ces moments uniques, d’avoir eu accès à une partie de ce grand mystère qu’est la mort, mais également en ayant la certitude au plus profond de mon âme, que ma présence a fait ici une grande différence.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Article pour le blog de Lynne Pion, la référence en matière de deuil
Janvier 2014

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