Dualité ou complémentarité

Si on regarde la vie d’un point de vue purement objectif, celle-ci semble composée de tellement de dualités : La vie et la mort, la richesse et la pauvreté, le bien et le mal, la santé et la maladie, la chance ou la malchance…et la liste pourrait s’allonger encore et encore.

On regarde la vie comme si tout était classifié, compartimenté en 2 pôles bien distincts, l’un étant un idéal à atteindre, l’autre un ennemi à repousser. Ces dualités ne sont toutefois pas exceptionnelles, elles font partie intégrante du parcours de chacun d’entre nous, mais n’est-ce pas justement ce qui donne tout son sens à notre existence ?

Voir la vie seulement comme une lutte à mener, amène avec cette perception, son lot de frustrations, de sentiment d’injustice et de résistance. Et si ce qui paraissait négatif au premier abord, était davantage une opportunité d’enseignements et de leçons de vie ? Étrangement, la perfection de la vie est intimement reliée à ses imperfections….oui, une vie parfaitement imparfaite.

N’arrive-t-il pas bien souvent qu’une perte d’emploi ne soit pas uniquement une épreuve à vivre, mais une formidable opportunité de réorienter son parcours professionnel pour un plus grand épanouissement personnel ?…

.Que l’annonce de la fin de vie d’un proche, soit une occasion de ralentir notre rythme effréné pour s’attarder à l’essentiel ?….

.Que le désir de vivre et de prendre soin de soi soit plus grand après avoir connu un ennui de santé nous ayant obligé à ralentir ?….

.Qu’un événement dramatique soit l’opportunité de modifier des lois ou d’en créer de nouvelles pour notre plus grande sécurité?….

.Qu’une tragédie dans l’actualité nous donne irrésistiblement le désir urgent d’appeler nos proches pour leur signifier toute notre affection ?….

.Qu’un cataclysme naturel nous invite naturellement à offrir notre aide à des gens qui en ont subi les préjudices ?…

Ces événements à la base tristes ou bouleversants portent en eux leur propre lumière, puisqu’ils font jaillir en l’être humain ce qu’il a de meilleur, sa compassion et son empathie et un besoin viscéral de connexion avec ses semblables.

Se laisser entraîner par le tourbillon de la vie et par la routine du quotidien aveugle l’homme et se laisser entrainer dans son sillon est très facile, car on ne s’en rend pas vraiment compte, trop occupé à courir.

Ces événements qui se produisent, quels qu’ils soient, ont donc aussi un rôle à jouer sur notre chemin d’évolution…ils ne sont pas inutiles et servent en fait à nous secouer, à nous réveiller. Mais pour qu’ils aient cet impact sur nous, il importe de demeurer conscient de cette réalité, de comprendre que rien de ce qui nous arrive n’est une punition ou une calamité, mais plutôt une occasion de s’arrêter pour réfléchir et se repositionner dans ce grand jeu de la vie.

Nous apprécions encore plus la nuit, quand on se rend compte qu’elle est nécessaire à notre rythme pour se reposer et refaire nos forces et qu’elle nous permet de voir apparaitre les étoiles….

Nous sommes davantage reconnaissants de se blottir près d’un feu après avoir affronté les rigueurs de l’hiver…
Nous réalisons toute la chance que l’on a de vivre au Québec quand on voit toutes les atrocités qui se passent un peu partout…
Alors dualités ou opportunités ?…

Nous n’avons peut-être pas le pouvoir de changer ce qui nous arrive, mais nous avons toutefois la liberté de choisir comment on va les vivre.

 

Des détails qui n’en sont pas

Écrit pour le magazine web, « Le portail zen ».
Mars 2017

En décembre dernier, j’ai vécu un accompagnement hors de l’ordinaire; une dame allemande, anglophone, veuve, sans enfant et dont les quelques membres de la famille habitaient à l’étranger.

Ma présence auprès d’elle était donc devenue une grande source de réconfort, non seulement pour elle personnellement, mais pour la famille trop éloignée pour assurer une présence continue, bien que sa condition se détériorait rapidement.

Le soir de son décès, je me suis retrouvée seule à son chevet. J’ai l’habitude auprès d’une personne qui vient de décéder, de faire une toilette au corps, pour redonner à cette personne un peu de dignité, avant le départ pour le salon funéraire.

Durant l’accompagnement, la famille et moi avions pris l’habitude d’échanger régulièrement sur Skype et je savais que ce soir-là n’y manquerait pas non plus. Je savais aussi que cette dame serait incinéré et que ce dernier moment d’au-revoir pourrait à lui seul transformer pour eux toute l’expérience, car difficile de vivre un décès à distance et de ne plus revoir le corps par la suite.

Ce moment de soin au corps peut sembler macabre, pour qui ne l’a jamais vécu… mais c’est en fait un moment sacré dans le parcours de cette expérience et que je trouve fort important. Un moment où on prend vraiment le temps de s’arrêter. J’ai mis de la belle musique, ai choisi des vêtements, ai préparé tout ce dont j’avais besoin pour ce rituel.

Je souhaitais offrir à la famille, une image beaucoup plus sereine, qu’uniquement celui du dernier souffle. J’avoue ce soir-là m’être moi-même dépassée… Elle était tellement belle et son visage était si serein que le personnel venait à tour de rôle dans la chambre constater par eux-mêmes le résultat, tout en lui faisant leurs adieux.

Comme le médecin ne pouvait venir que le lendemain matin authentifier le décès, j’ai passé la nuit auprès du corps avec des bougies et de la musique et ai répondu à de nombreux appels de proches qui avaient appris la nouvelle de son décès. La magie de Skype a permis que je puisse installer le portable, de sorte qu’à tour de rôle, chacun d’eux a pu la voir une dernière fois et lui faire ses adieux.

Moments bien sûr très touchants et très intimes, bien que la plupart lui parlait en allemand et donc que j n’ai pu saisir ce qu’il se disait. Je pouvais toutefois sentir dans leur voix et leur énergie toute leur tristesse et leur affection aussi.

Entrevue avec Hélène Giroux, Million-Être

Cette semaine je vous présente Hélène Giroux, qui après avoir été abonnée au blogue depuis un bon moment, s’est reconnue comme une Million-être et j’en suis honoré. J’ai été touché par son partage, sa mission de vie comme accompagnatrice en fin de vie.

Il me fait plaisir de vous inviter à entrer dans son univers, et peut-être aussi le vôtre puisque la mort fait aussi partie de la vie et que de vivre le sens de sa vie permet de donner aussi un sens à la mort.

Hélène Giroux 

 


À ce jour, quelle est la contribution qui vous a procuré la plus grande satisfaction et qui, selon vous, contribue à créer un monde meilleur?

J’accompagne des gens en fin de vie qui souhaitent terminer leurs jours à la maison et cette vocation donne tout un sens à mon existence. Le patient a besoin de soins, d’écoute et de chaleur humaine, mais la famille éprouvée nécessite également d’être secondée, épaulée et réconfortée dans ces moments difficiles de la perte prochaine d’un être cher. Ce rôle d’accompagnatrice est donc fort apprécié des familles que je côtoie, car leur implication émotive empêche bien souvent d’avoir un regard objectif sur la situation. Par contre, guidée à travers cette expérience, la famille peut apprendre à apprivoiser chacune des étapes conduisant vers la mort. Je sais que j’ai accompli ma mission lorsque après le décès, les proches me témoignent que je leur ai permis de transformer cette période insécurisante en expérience positive malgré la tristesse. Cela va même parfois jusqu’à modifier leur vision de la mort. De se sentir ainsi accompagnés leur permet également de traverser les étapes du deuil plus sereinement. Comme être humain, ressentir cette connection profonde à un moment aussi sacré de l’existence me comble de gratitude.

Quel événement, quelle personne ou prise de conscience vous a incité à vous engager de cette façon et qu’est-ce que ça vous a apporté?

Alors que je ne travaillais pas dans cette sphère d’activité, une tante proche a reçu un diagnostic de tumeur cérébrale et j’ai tout de suite eu le désir de l’accompagner. Cette décision venait du cœur, mais je n’avais aucune idée à ce moment à quel point je me sentirais interpellée par ce métier hors de l’ordinaire. J’ai donc réorienté ma carrière et suis allé suivre une formation de préposée pour être en mesure de pouvoir donner des soins. Après l’obtention de mon diplôme, déçue par les milieux de santé traditionnels, j’ai rapidement choisi d’œuvrer spécifiquement auprès des mourants; métier davantage en harmonie avec les valeurs qui me sont chères et qui s’attardent à l’humain plutôt que simplement à la maladie. Côtoyer les mourants me permet de demeurer dans l’instant présent, de mettre en valeur ce qui m’importe dans la vie, d’avoir des rapports plus authentiques avec les gens . C’est donc un métier extraordinaire qui me rend très heureuse !

Que souhaitez-vous que l’on dise de vous après votre passage terrestre?

Que j’ai déposé des semences d’amour partout sur mon passage et que j’ai fait une différence dans la vie des gens qui ont eu le bonheur de croiser ma route.

Avez-vous créé des œuvres littéraires, musicales, artistiques ou autres que vous aimeriez faire découvrir à nos lecteurs? (énumérez les principales seulement)

Pour aider les gens à démystifier et à apprivoiser ce sujet difficile, j’ai écris et fait publier un livre intitulé, « Le privilège d’accompagner…choisir de côtoyer la mort », aux Éditions La Plume d’Oie. Ce projet est un grand rêve que je caressais depuis longtemps et que j’ai réalisé après 2 ans de travail d’écriture. Je constate en pratiquant ce métier que beaucoup de gens se sentent interpellés par le sujet et qu’ils ont toujours de nombreuses questions à me poser. Il faut dire que même en 2012, la mort reste encore un sujet tabou que peu de gens osent aborder ouvertement et que lorsqu’il en est question, c’est plutôt dans des termes sombres. Parce que j’ai le privilège de côtoyer les mourants dans mon quotidien, je suis à même de pouvoir échanger sur la question en faisant davantage ressortir les aspects positifs….car oui, il y en a ! Ce livre offre la possibilité aux gens d’ouvrir une porte dans une direction inexplorée pour pouvoir ensuite percevoir les choses avec un regard neuf. Bien que cet ouvrage parle de la mort, c’est bien plus d’un hymne à la vie dont il est question.

Y-a-t-il un message particulier que vous aimeriez transmettre de plus?

J’ai conscience que pour beaucoup de gens, la mort est un sujet difficile à aborder…mais j’aimerais leur dire que la mort peut s’apprivoiser. Au même titre que la naissance, elle fait partie des étapes que nous aurons à franchir sur notre parcours, qui que nous soyons. J’ai moi-même appris qu’apprivoiser la mort, c’est aussi apprendre à vivre…aussi étrangement que cela puisse paraître.
Merci Hélène de contribuer à un monde meilleur – Daniel Giguère coach (sept.2012)

Quelles sont les coordonnées pour vous rejoindre?

Nom : Hélène Giroux
Courriel :  hegir@hotmail.com
www.facebook.com/accompagnementetsoins

Profession: accompagner les mourants

Quel étrange métier me diront certains !

On croit à tort que côtoyer la mort doit être fort déprimant et qu’une personne la moindrement intelligente ne choisirait pas un tel travail dans le quotidien. En fait il ne s’agit pas d’un travail mais d’une vocation, car il est question ici de l’humain. Et je ne crois pas non plus qu’on choisisse ce métier…cela vient d’un appel intérieur et demande tout de même un certain vécu pour s’y sentir à l’aise.

Beaucoup de gens, à moins d’être confronté à une telle situation…et encore….ignore même qu’il existe des gens, tout comme je le fais, qui font ce métier et qu’il est possible d’être accompagné dans de telles circonstances. Il faut savoir qu’il existe plusieurs possibilités aujourd’hui pour terminer ses jours. Certaines personnes se retrouvent dans un hôpital, d’autres dans des maisons spécialisées comme il en existe plusieurs au Québec ou encore ont le désir de mourir à la maison, entouré de leurs proches, dans un environnement qui leur est familier. C’est principalement là que j’œuvre dans le cours de mon travail.

Accompagner, c’est avant tout assurer une présence chaleureuse et sécurisante auprès du malade et de ses proches. Cela nécessite d’entrer dans leur intimité, dans un espace sacré et très personnel. Mais tous ont tellement besoin à ce moment qu’il est rare que le contact ne soit pas positif. La chaleur humaine, le respect de la dignité et des valeurs de chacun sont des qualités primordiales dans ce métier. Le patient se trouve alors dans ce que l’on appelle les soins palliatifs. Il n’est pas abandonné par le système médical, mais on ne parle plus ici de guérir, mais plutôt de rendre confortable. Le patient reçoit donc tout ce qui peut répondre à ce besoin, que ce soit en équipement, en soins, en médicaments. Et comme accompagnatrice, je peux répondre à tout cela dans son quotidien, les priorités étant de lui offrir de l’aide physique, psychologique et spirituelle. Son pronostic est d’habituellement moins de 2 mois.

Je sais donc pertinemment à quoi m’attendre et ce que sont les objectifs de mon travail. Nul surprise alors au moment du décès. Je connais bien les signes qui m’indiquent que la fin se rapprochent et ils me servent de guides pour évaluer la situation, répondre aux besoins du patient et préparer la famille à ce qui s’en vient. Le but principal des soins palliatifs est de donner une certaine qualité de vie au temps qui reste et bien que ce soit difficile à imaginer, il y a encore dans cette étape de vie des moments d’humanité extraordinaires ! Lorsque le patient décède, j’ai davantage la satisfaction d’avoir pu faire une différence dans ce bout de chemin difficile d’accès pour la plupart d’entre nous.

Malgré la tristesse de perdre un proche, la plupart des gens pour lesquels j’ai ainsi accompagné un proche, ont à l’unanimité exprimé à quel point cette expérience avait été formatrice. Tous en sortent positivement bouleversés, voyant la mort autrement, l’ayant quelque peu apprivoisée. Cela change considérablement leur vision des choses et est souvent transformatrice pour leur propre parcours. Bien des préjugés tombent, des peurs s’atténuent considérablement.

Quant à moi je suis toujours émerveillée de constater à quel  point l’humain est d’une richesse intérieure incroyable, car au delà de leur corps détérioré, c’est davantage à l’âme que je touche…et de cela je me sens extrêmement privilégiée.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure et conférencière
Écrit pour le blog de Thibault, mars 2013

www.facebook.com/accompagnementetsoins
hegir@hotmail.com

« Le privilège d’accompagner….choisir de côtoyer la mort », aux Éditions La Plume D’Oie
Mai 2012 (disponible par l’auteure)

L’apprentissage de la vie au seuil de la mort

Oser dire que je côtoie la mort par choix fait toujours grandement réagir les gens que je croise sur ma route.

Cette réalité fait tellement partie de mon quotidien que j’oublie parfois que la mort est encore un sujet tabou. Elle est pourtant inscrite dans notre plan de vie dès le moment de notre naissance et est le chemin pour chacun d’entre nous ; nous ignorons seulement quand et comment elle surviendra.

Raison de plus à mon avis pour s’en préoccuper, surtout quand je constate que la majorité des gens que j’accompagne ces dernières années sont atteints de cancer et principalement âgés entre 50 et 62 ans. Je peux très bien m’imaginer que ce n’était nullement une option qu’ils envisageaient à cette période de leur vie….

Accompagner les mourants est un métier marginal j’en conviens et beaucoup de gens ignorent même qu’il existe, que des gens sont disposés à soutenir un malade et ses proches, à moins d’avoir été confronté à cette situation. Je n’avais pas prévu non plus aller dans cette direction dans mon plan de carrière, car j’ai moi-même longtemps été rébarbative à aborder le sujet. Les choses ont bien changées.

Jeune, je rêvais de devenir infirmière car j’étais attirée par le milieu hospitalier et j’aimais aider les gens. Mais ma vie a pris une autre direction ; je me suis mariée et ai par la suite consacré plusieurs années de ma vie à l’éducation de mes 2 fils.

J’ai un jour suivi une formation en accompagnement, non pas pour en faire un travail mais comme démarche personnelle pour explorer cette question délicate de la fin de vie. J’ai développé ensuite à ma grande surprise, tout un intérêt pour la question et ma vie a pris un nouveau tournant depuis!

Je me rappelle comme si c’était hier, mon premier accompagnement où la peur de ne pas être à la hauteur me tenaillait. L’expérience s’est toutefois avérée très positive et a été transformatrice, bien au-delà de mes espérances.

J’ai réalisé que les connaissances acquises au fil des ans par mon expérience de vie, les formations, les nombreuses lectures et ateliers étaient fort utiles pour me donner un ancrage, mais qu’ils n’étaient pas les seuls outils nécessaires pour devenir une bonne accompagnatrice.

Davantage encore que les techniques, un amour profond pour l’être humain, un désir de vouloir faire une différence dans le dernier tour de piste et une capacité de pouvoir utiliser l’empathie dans mes contacts avec ces gens étaient plus essentiels encore pour œuvrer dans cette sphère d’activité particulière.

Accompagner est avant tout une vocation et un appel du cœur qui demande à développer de nombreuses forces et qualités : intuition, écoute, sensibilité, respect, patience, générosité etc…. Je compare l’accompagnement des mourants à un cours de croissance personnelle en continue, qui m’interpelle sans cesse à m’interroger, à me remettre en question, qui m’invite aussi par un travail d’intériorité à ne pas prendre les choses de façon personnelle.

Chaque personne que je rencontre, que ce soit le malade ou ses proches m’offrent une occasion extraordinaire de grandir et d’évoluer et je suis sans cesse étonnée de constater tout le cheminement que cela me permet de faire comme être humain.

J’ai toujours cru que notre présence sur terre devait servir à l’évolution de l’humanité et que chaque personne avait un rôle à y jouer pour son avancement. La richesse de chaque être humain m’est confirmée jour après jour. Nous sommes tous riches de potentiel à découvrir et nous nous devons aussi de permettre à chacun de reconnaître sa propre valeur en ce monde. Cette façon de faire et de penser donne tout un sens à mon existence et je suis convaincue qu’elle donnera aussi un sens à ma propre mort.

Cela peut paraître étrange, mais je ne me suis jamais sentie autant vivante et heureuse que depuis que j’accompagne des mourants. La raison en est fort simple ; nous avons malheureusement tendance à prendre les choses et les gens pour acquis, à croire qu’ils dureront toujours. Toutefois, lorsque la mort fait partie de notre paysage quotidien, la conscience que la vie est précieuse et fragile amène naturellement à voir la vie autrement.

Les gens sur le point de mourir sont d’extraordinaires enseignants dont nous devrions privilégier le contact. Malheureusement, la peur de la mort et les tabous reliés à cette étape de vie véhiculés par l’ignorance, invite bien plus souvent à l’éviter ou à la fuir.

Je suis toujours étonnée de réaliser que plus je côtoie les mourants, plus j’aime leur contact. Il faut dire qu’à cette étape de vie, celui-ci n’a plus rien à prouver à personne ; il laisse bien souvent tomber les masques et se trouve davantage dans l’authenticité. Les rapports sont alors plus vrais, se rapprochant même parfois de la spontanéité d’un enfant.

En faisant son bilan de vie, la personne dont le temps est compté a le grand désir de partir le cœur léger, de lester ses bagages ; c’est pourquoi des regrets ou des pardons peuvent s’exprimer, permettant bien souvent une libération salvatrice. Lâcher prise est plus aisé lorsque le cœur est léger. Bien que cela ne soit pas toujours possible, je peux souvent l’observer au fil de mes accompagnements.

Le mourant réalise aussi que l’accumulation de ses biens ou qu’un compte en banque bien garni ne peut être échangé contre un retour à la santé et que tout cela ne peut non plus être amené avec lui au moment du départ. L’impression d’y avoir  investi trop de temps et d’énergie, amène parfois de la tristesse d’être passé à côté de l’essentiel. Malgré ces constatations, la plupart affirment qu’ils ne changeraient rien à leur vie s’il leur était donné de la recommencer.

Le plus beau cadeau que j’ai reçu à accompagner, c’est de constater que la valeur première qui demeure à la fin malgré toutes nos différences est l’amour, fondement même de tout être humain. C’est de cette manière que nous sommes tous inter reliés et que nos actions et nos paroles peuvent avoir un impact significatif sur la vie des gens qui croisent notre chemin. Raison de plus pour faire en sorte que chacune de ses actions, de ses paroles soient posées dans l’objectif d’apporter une différence, de laisser une trace de notre passage sur terre.

Alors que la majorité des gens voient la mort comme une injustice et aborde le sujet en des termes sombres et déprimants, mon contact fréquent avec celle-ci me permet au contraire de regarder les choses différemment, d’y voir davantage les aspects positifs de ces enseignements qui m’apprennent à mieux vivre.

Si j’apprenais qu’il ne me reste que peu de temps à vivre, ne voudrais-je pas utiliser ce précieux temps pour donner du sens à cette dernière étape de mon parcours, pour utiliser chaque journée, chaque heure et chaque minute à sa juste valeur ? Et pourquoi au fait, devrais-je attendre un ultimatum comme une maladie terminale pour vivre avec plus de conscience, pour habiter l’instant présent ou pour avoir des relations significatives avec les gens de mon entourage ? Vivre ainsi au jour le jour changerait beaucoup de choses dans notre existence.

Je suis bien sûr consciente à travers ces contacts particuliers que la mort s’accompagne aussi de tristesse, de souffrances, de deuils multiples, mais comme tout ce qui vit, tout finit aussi par s’éteindre un jour.  Pour moi, la naissance comme la mort sont simplement des passages importants et sacrés de notre parcours terrestre.

Il est normal dans notre façon de voir la vie de souligner la naissance, de la célébrer et la mort à mon sens mériterait autant d’égards, puisqu’elle souligne et honore la vie de celui ou celle qui s’éteint et cela peu importe qui est cette personne.

Toute vie est sacrée car elle enrichie celle de ceux qu’elle croise dans le parcours de sa mission ici-bas. C’est pourquoi je me sens réellement privilégiée de côtoyer tous ces gens et que même le peu de temps qu’il nous ait donné de se connaître devient un cadeau.

Je ne suis pas triste au moment du décès. Connaissant l’objectif de ma démarche auprès de ces gens, je m’applique davantage à donner une valeur au temps qui reste par une qualité de présence. Je peux ainsi dire mission accomplie, tout en éprouvant beaucoup de reconnaissance pour avoir pu rencontrer ces personnes qui m’ont toutes offertes de très belles leçons dans mon parcours de vie.

Je poursuis ensuite ma route, transformée et remplie de gratitude. Tant de personnes ont besoin de ce regard d’amour posé sur eux, particulièrement à un moment aussi déterminant de l’existence que l’approche de la mort. Quelle belle mission que la mienne !

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure et conférencière
Écrit en nov.2015

 

Un contact privilégié

J’ai choisi comme travail d’accompagner des mourants qui souhaitent terminer leurs jours à la maison. La plupart des gens que je croise sur ma route me demandent pourquoi ? Pourquoi œuvrer dans cette sphère d’activité chargée d’émotions de toutes sortes ? La réponse est bien simple en fait, j’aime l’être humain. Je crois que chaque personne possède ses richesses intérieures propres, ce qui en fait une personne unique. Cette rareté invite d’autant plus à « prendre soin », à chérir et à exprimer de la gratitude pour avoir le bonheur de cette proximité avec l’autre… du cadeau de sa vie.

Chaque personne que j’accompagne et chaque famille qui entoure ce malade m’enrichit de cette unicité. Et même lorsqu’il y a des situations plus difficiles, je ressors toujours grandie de ces expériences, car accompagner des mourants, c’est un exercice quotidien de cheminement personnel, de questionnement, de prise de conscience sur le sens même de ma propre existence.

Il faut dire que les émotions que je ressens à leur contact sont très différentes de ce qu’éprouvent la plupart des gens à la perte d’un des leurs. Bien que j’aie développé des liens avec le malade, je ne partage pas avec ce dernier le même attachement émotionnel  que celui de ses proches et qui rend leur deuil si difficile.

La mort fait partie de la vie, nous le savons tous intellectuellement…mais peu de gens acceptent cette idée que la vie a une fin. La réalité toutefois, c’est que la mort nous attend tous à notre heure et cela sans exception. Nous verrons des gens mourir autour de nous, nous perdrons des proches et notre propre vie se terminera elle aussi, la vie poursuivant sa route pour ceux et celles dont l’heure n’est pas encore arrivée.

Je suis toujours surprise de constater que bien que la notion de finitude fasse partie intégrante de notre parcours ici bas, la mort continue encore d’être un sujet tabou, peu de gens étant confortables d’échanger sur le sujet ou même d’aborder franchement la question. On a tendance à ne voir dans la mort que les aspects négatifs. Je vois les choses différemment. Oui il y des aspects difficiles : la déchéance physique, la dépendance, la souffrance…. Mais il faut admettre que ces bouleversements font aussi partie de l’expérience, de cette étape finale de la vie…

La tristesse sera toujours présente lorsqu’un proche quittera cette vie, mais cela fait également partie de l’expérience. Je reconnais que la vie est une suite de pertes et de lâcher prise, mais que c’est également ce qui lui donne toute sa saveur. Je conçois que s’attacher et créer des liens veut aussi dire risquer de perdre, mais mieux vaut avoir connu et perdu que de ne pas avoir goûté à tous ces bonheurs. Prendre conscience que cette réalité se produira un jour ou même demain, devrait en fait nous amener à vivre davantage dans l’instant présent et à chérir ce que nous avons aujourd’hui.

Apprendre qu’une personne chère se prépare à franchir cette étape finale permet, pour un moment, d’arrêter quelque peu le tourbillon de la vie pour se consacrer à l’essentiel ; l’amour ou l’affection que nous  portons à cette personne. Dommage toutefois que nous devions attendre un tel bouleversement pour réaliser à quel point la vie est fragile. Lorsqu’on prend les choses ou les gens pour acquis, on arrive à en oublier ce qui les rend aussi précieux à nos yeux.

Lorsque les patients que j’accompagne décèdent, je conserve précieusement dans mon coeur tous les petits bonheurs et les instants privilégiés que nous avons partagés et qui ont enrichis ma vie, peu importe le temps qui nous fut donné. Ce sont des moments que même la mort ne peut m’enlever car ils resteront gravés dans ma mémoire comme d’inestimables présents.

Le plus beau cadeau que j’ai reçu en accompagnant, c’est étrangement de me sentir plus vivante encore et de chérir cette vie qui est mienne maintenant. Il peut paraître étrange de constater que ce sont les mourants qui enseignent à mieux vivre, mais difficile de ne pas se sentir interpellée par leur authenticité et leur lucidité face au bilan qu’ils font de leur parcours terrestre.

J’ai appris également une autre leçon très importante…la mort se prépare. Comment ? Simplement en profitant du temps présent. Si je m’accomplis comme personne, si je développe mes forces, si je nourris mes passions, si je réalise mes rêves, si j’apprends de mes erreurs, si j’entretiens des rapports authentiques avec les gens que je croise sur ma route, si je sème l’amour partout sur mon passage…..mourir ne pourra que se vivre différemment, comblée et heureuse d’avoir accompli ma mission de vie. Cette riche leçon d’une simplicité désarmante est devenue mon leitmotiv.

Mourir est notre destinée à chacun et celle-ci est inscrite depuis notre premier jour de vie sur terre. À cela on n’y peut rien. Mais on peut par contre choisir comment on voudra vivre cette vie et l’influence qu’elle aura sur celle d’autrui, à travers notre expérience. Modifier cette façon de regarder les choses pourrait changer notre vision de la dernière étape de notre parcours, mais plus encore du temps qui nous est donné de laisser notre trace en ce monde.

Je me sens interpellée à briser des barrières en regard à cette réalité de la mort dans notre existence et parce que j’ai le privilège d’accompagner, j’ai l’opportunité d’être confrontée à toutes ces questions dans mon quotidien. Côtoyer ces gens au seuil du grand passage me donne alors la possibilité de regarder les choses avec une vision différente que j’ai le goût de partager à travers un livre que je viens de publier aux Éditons La Plume d’Oie et qui s’intitule, « Le privilège d’accompagner…..choisir de côtoyer la mort ».

Nous aurions tous intérêt comme mortel à ne pas fuir cette situation lorsqu’elle se présente sur notre route, mais plutôt à ouvrir cette porte vers l’inconnu, même si cela est difficile et exigeant. Pour l’avoir expérimenté à maintes reprises, je peux affirmer que malgré la tristesse, des cadeaux précieux nous sont offerts, modifiant considérablement notre vision de la vie par la suite.

Au même titre que la naissance, la mort fait partie d’une étape charnière et tout aussi sacrée de notre existence. Je suis convaincue que notre raison d’être ici bas c’est l’amour, mais aimer c’est également apprendre à se détacher, ce qui ne signifie pas oublier…car l’amour lui ne meurt jamais.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure,conférencière
Article écrit pour la revue Profil, déc. 2012
www.facebook.com/accompagnementetsoins
hegir@hotmail.com

 

Les derniers moments de la vie…..

J’ai le grand privilège d’accompagner des gens dont il ne reste que peu de temps à vivre…la plupart atteints de cancer à la phase terminale.

Bien que cette étape de vie soit troublante et difficile à envisager pour la majorité, j’ai volontairement choisi d’y œuvrer, de côtoyer la mort tous les jours.

Loin de me sentir déprimée, accompagner les mourants m’a permis de me sentir plus vivante encore, de relativiser les difficultés du quotidien,  d’entretenir des rapports plus significatifs avec les gens qui croisent ma route.

La vocation d’accompagner les mourants n’est pas connue et mériterait d’être soutenue et encouragée, car elle se révèle une aide inestimable pour les malades et leurs proches grandement affectés par cette réalité. Au chevet de ces familles bouleversées, le calme et la sérénité que je dégage leur permet déjà de se sentir en confiance et épaulée, dès les premières approches.

Mes formations et l’expérience acquise auprès des nombreuses personnes en fin de vie que j’ai côtoyée, me donnent les outils nécessaires dont ils ont besoin, pour leur permettre de mieux se préparer aux étapes à venir à travers le processus de fin de vie, ce qui est très rassurant.

Se sentant ainsi épaulées, elles arrivent à cheminer suffisamment pour qu’après le décès, l’expérience s’avère formatrice, malgré la tristesse d’avoir perdu une personne chère, ce qui bien souvent modifie même leur vision de la mort par la suite.

Il faut dire que je m’investis suffisamment pour que chaque geste ait un sens, à travers les différentes étapes qui précèdent la mort. Chaque patient est considéré au même titre qu’un membre de ma propre famille;  les attitudes à avoir sont donc toutes naturelles et empreintes d’empathie, de tendresse et de respect.

Être présente lorsque survient le décès est pour moi le plus beau cadeau, car ce moment du parcours humain est sacré et chargé d’enseignements. C’est également un moment éprouvant pour les proches qui se sentent bien souvent démunis face à la vie qui quitte le corps. Être à leur chevet à cet instant donne donc tout son sens à l’accompagnement.

Le décès ne signifie toutefois pas que mon travail est terminé. Je sais par expérience que même bien préparé, le choc est alors grand et les repères absents. Je veille donc à prévenir le CLSC pour qu’un médecin vienne authentifier le décès et m’occupe également d’aviser le salon funéraire pour planifier le moment où le corps sera récupéré. Ces démarches sont lourdes pour les familles et m’occuper de ces aspects les libèrent grandement.

J’offre ensuite de faire une toilette à la personne décédée et de la vêtir selon les désirs de la famille, pour son départ vers le salon. Ces gestes peuvent sembler anodins, voir même étranges pour certains, mais ils sont toujours très appréciés des familles. S’occuper encore du corps à ce moment permet d’exprimer à la personne aimée, toute l’affection et le respect qu’on lui portait, mais également d’honorer cette vie qui fut sienne.

S’ils le désirent, j’offre aux proches de participer à ce rituel. Ce moment sans temps permet d’offrir encore, tendresse et affection à la personne qu’ils ont connue et de déjà commencer le travail du deuil en prenant conscience de la réalité du décès. Loin d’être macabre, ce moment est vécu chaque fois avec beaucoup de dignité et de douceur.

Il m’arrive assez souvent toutefois, d’effectuer cette tâche seule. Je m’assure que les vêtements choisis soient significatifs pour les proches, ne serais-ce qu’un pyjama confortable que le parent aimait porter. Je fais la barbe si c’est un homme, coiffe les cheveux, parfume le corps si tel est le désir.

Je replace ensuite les couvertures et le corps de façon à laisser une meilleure image de ces derniers instants et libère la chambre de tout le matériel médical, inhabituel dans cet espace qu’est le domicile.

Puis, j’invite la famille à revenir au chevet de la personne décédée et leur suggère de faire les au-revoir, de dire ce qui n’a peut-être pas été dit avant la mort. Un décès à la maison permet fort heureusement de prendre tout le temps nécessaire à ce rituel préparatoire au départ du corps.  Chaque membre de la famille a son vécu avec cette personne et ce moment est fait dans l’intimité pour chacun.

C’est toujours un temps très significatif et marquant pour les proches, mais pas d’une façon négative, comme on pourrait le croire. C’est davantage un espace d’apaisement, où le visage éteint est détendu, libéré de sa souffrance et où l’attente interminable des derniers instants est terminée.

J’attends ensuite les représentants du salon que j’aide dans le déplacement du corps, prenant soin de leur demander de ne pas fermer entièrement la fermeture éclair et de laisser dans l’enveloppe de transport, la tête à découvert.

Ce détail est d’une grande importance auprès des familles et il est primordial de faire respecter cette demande, ce qui permet à la famille d’embrasser le front ou de caresser les cheveux lors du départ final, moment toujours important, même s’il est éprouvant pour chacun.

J’ai pris soin avant de quitter la maison, de refaire le lit et d’y déposer une fleur, naturelle ou artificielle, presque toujours présente à la maison dans ces moments. Certains salons ont également cette délicatesse, lorsqu’ils viennent récupérer le corps.

C’est incroyable comment cette attention touche les familles, car immanquablement, ils reviendront dans la chambre pour confirmer qu’ils n’ont pas rêvés et que le décès s’est vraiment produit. Cette dernière image est un baume qui amorce en douceur le long travail du deuil.

Je leur fait un dernier câlin et reviens chez moi le cœur rempli de gratitude, pour avoir eu le privilège de vivre ces moments uniques, d’avoir eu accès à une partie de ce grand mystère qu’est la mort, mais également en ayant la certitude au plus profond de mon âme, que ma présence a fait ici une grande différence.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Article pour le blog de Lynne Pion, la référence en matière de deuil
Janvier 2014

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