Préparer le grand voyage

Il nous parait normal de préparer nos valises quand on part en voyage, de les mettre sur le lit des semaines ou des jours avant et d’y ajouter peu à peu ce qui nous semble nécessaire à rendre cette aventure la plus agréable possible…

Mais avez-vous déjà pensé à préparer celle du dernier voyage…oui, celui qui nous amènera à quitter la terre pour cette grande traversée vers l’au-delà ?….Ça peut paraître complètement fou, mais si vous saviez à quel point ça allège notre parcours de faire cet exercice ! Vous allez me dire, mais on aura bien le temps…comment le savez-vous ? On peut partir subitement d’une crise cardiaque, d’un AVC, d’un accident sur la route……je ne le souhaite à personne, mais pourquoi attendre de ne peut-être plus avoir le temps ou la capacité de le faire ?

Oui, je l’ai fait. Deux fois plutôt qu’une…..

La première fois, j’avoue que je n’étais pas très enchantée de m’y mettre…honnêtement ça m’a pris un an avant de me décider. C’est tellement bizarre cette idée de croire que si on fait ce genre de démarche, comme préparer son testament par exemple, c’est qu’on va nécessairement mourir demain…mais ça peut aussi arriver, on n’en sait rien. Alors mieux vaut s’y mettre maintenant, que de se retrouver en situation où cela n’est plus possible.

Quand j’ai débuté à fabriquer cette boite de dernières volontés, je me suis prise au jeu et j’ai finalement trouvé cela très libérateur et je dirais même agréable à faire. Je me suis demandé ce que j’allais y mettre…c’est très personnel à chacun. J’y ai mis des lettres, une pour mon mari et deux pour mes fils, une liste de tous les gens à aviser, mon éloge funèbre (Je me suis dit que j’étais la mieux placé pour dire comment j’avais vécu ma vie et ce que j’en avais retiré…), des choix de musique, des rituels à faire (Genre envoyer des ballons dans le ciel…), des papiers importants comme les assurances, le testament, mon acte de naissance etc….

Même si ça faisait 10 ans que je l’avais fait, je me disais que même si ces informations n’étaient pas à jour, ça me soulageait tout de même de savoir qu’il y aurait quelque chose qui resterait advenant mon décès et que mes proches y trouveraient plein d’informations pertinentes sur mes volontés pour ce moment.

Récemment, j’ai eu à quitter pour un voyage outre-mer. J’ai senti l’urgence une 2e fois de mettre à jour ces informations avant de partir. Ce que j’ai fait. J’ai bien sûr écrit de nouveau les lettres de mes fils et en ai ajouté de nouvelles pour mes parents, des amies, mes frères et soeurs etc…j’ai préparé des détails de ma cérémonie, monté un power point de photos à présenter, fourni mes directives funéraires, remis à jour ma liste de gens à prévenir etc….il s’en passe tout de même des choses en 10 ans !

Je suis partie le cœur léger, sachant que tout pouvait arriver et que ce serait ok pour moi, car mes êtres chers auraient des souvenirs à préserver et des informations qui leur permettraient de vivre plus sereinement cette étape, n’ayant pas tout à préparer sous le coup de l’émotion.

Je vous invite à réfléchir à cette suggestion…Et vous qu’y mettriez-vous ?

Choisir de mourir

J’ai récemment eu à accompagner un homme dans un centre d’hébergement; 59 ans et atteint de SLA depuis des années. Un homme qui avait toute sa tête malgré ses limitations physiques…et là se trouvait le problème. Avoir 59 ans et se retrouver en CHSLD avec des gens très hypothéqués, atteints pour plusieurs de démence, grabataires, se voir contraint de suivre un horaire établi, de se conformer à des règles qui briment la liberté…tout cela et plusieurs autres deuils à faire ont eu raison, au fil du temps, de sa détermination à vouloir continuer de vivre.

Mais que fait-on quand on veut que tout cela s’arrête, qu’on demande à mourir et qu’on n’a pas accès à de l’aide médicale à mourir puisqu’on n’est pas en phase terminale de cancer ? On arrête de manger et de boire !…

Un choix marginal et difficile. Un choix qui n’est pas bien vu de l’entourage, incompris de plusieurs, un choix qui dérange et qui fait que tout le monde marche sur des œufs par crainte de représailles.

Je n’ai jamais senti que cet homme était en dépression. Il avait bien réfléchi à cette option, en avait parlé, s’était préparé psychologiquement et avait pris position. Il n’a pas failli à maintenir ses objectifs. Il a arrêté de manger, puis pour un temps, de s’hydrater….il croyait que cela l’amènerait à décéder rapidement…..mais ce ne fut pas le cas, il avait recommencé à boire ici et là et sa fin de vie s’est finalement étirée sur 54 jours. Une fin de vie qui n’arrêtait plus de finir…..et qui demeurait toujours incomprise, prenant tout le monde par surprise.

Comment accompagne- t-on dans un tel contexte? Comme tous les autres…avec beaucoup de respect pour le chemin choisi. Avec compassion aussi pour en être arrivé à s’arrêter sur ce choix. Avec discrétion et délicatesse, car il n’a surtout pas besoin de qui que ce soit pour lui expliquer que la vie vaut la joie d’être vécue et qu’il lui reste peut-être du bon temps encore pour le futur.

C’est la première fois que j’avais à vivre ce contexte particulier au fil de mes accompagnements…mais en fait pour moi, cela a changé peu de choses, car la mort, de quelque façon qu’elle se présente, mérite pour chaque humain d’être accompagnée, et en cela il en était très reconnaissant.

Je crois toujours que l’âme choisi son moment pour prendre son envol et que dans son cas, il y avait assurément encore des choses à régler, des gens à préparer, des décisions à prendre, des choix à faire…et au moment où celle-ci était prête, elle a quitté son corps souffrant en moins de 5 minutes.

Je sais que je n’ai pas fini de vivre toutes sortes de situations dans le contexte de mon métier, mais ce que je ressens chaque fois, c’est l’immense privilège qu’il m’est donné de pouvoir me trouver à leur chevet à ce moment.

 

 

Honorez la mort comme la vie

La mort est encore pour plusieurs, un sujet tabou. On la voit bien souvent comme la fin de tout. Ceci étant dit, nous avons tout intérêt à prendre conscience que la mort est une étape sacrée de notre parcours de vie, car cette expérience est toute aussi importante que celle de la naissance et que toutes les autres étapes qui se situent entre les deux. Honorer la mort nous aide à l’apprivoiser et à donner un sens encore plus grand à notre existence.

La mort unit toutes les formes de vie, car tout ce qui vit, mourra un jour. Elle représente le point culminant de tout l’accomplissement d’un être au cours de son existence et peu importe l’âge à laquelle on y fait face, la mort est une étape importante, tant pour la personne qui quitte  le plan terrestre que pour ceux qui y demeurent. Il n’y a pas d’erreur ou de fin prématurée en regard du grand plan de la vie.

Il peut être réconfortant de croire que nous soyons destinés par notre passage sur terre à accomplir quelque chose et faire une différence. Il est vrai qu’au moment de la mort notre existence se poursuit; une parcelle de nous demeure vivante par les moments que nous avons partagés avec autrui, l’amour que nous avons semé. Chaque être humain a le potentiel de transmettre un savoir et de faire sa part dans le grand projet collectif qu’est l’humanité. Quand la mort se manifeste, le travail se poursuit par la contribution apportée.

La mort peut être vue comme une injustice et peut même parfois paraître cruelle, elle est pourtant une étape naturelle et inévitable sur notre chemin de vie.

Saluer ce qui a été, permet au moment de la mort d’une personne qui nous est chère, de garder le meilleur de son parcours. Nous pouvons ainsi être reconnaissants de l’avoir connu lors de son passage dans notre vie et poursuivre notre route avec plus de sérénité, chacun continuant son chemin dans des directions différentes. L’amour que nous avons pour la personne continu d’exister. Son âme, et les souvenirs qui sont liés à elle demeurent. En mettant  l’emphase sur cet héritage, on développe la conscience que cela restera toujours en nous, au-delà du temps.

La mort fait partie de la vie. Et, honorer la mort c’est célébrer la vie. Célébrer la vie, c’est accueillir la mort comme l’occasion d’un chemin qui se poursuit.

Principe élaboré dans le livre de Lise Marie Boudreau – « Congédiez vos gourous », publié en septembre 2017, Éditions Le Dauphin Blanc

 

 

L’aide médicale à mourir

Article paru dans le magazine web, « Le portail zen »
Juillet 2017

J’ai été pas mal bouleversée quand j’ai appris que la loi sur l’aide médicale à mourir avait été adoptée. Pas que je porte un jugement sur les gens qui souhaitent y avoir accès… c’est un choix beaucoup trop personnel et ce choix appartient à celui ou celle qui en fait la demande.

J’avoue que ce que je crains ce sont les abus et que cette façon de faire devienne normale pour terminer ses jours. Notre société est très expéditive et on veut tout, tout de suite, on ne veut pas attendre et on veut surtout avoir le contrôle sur les choses.

Ma pensée évolue toutefois au fil du temps. On m’a déjà demandé par le passé si j’accepterais d’accompagner une personne qui ferait ce choix. J’y ai réfléchi quelques minutes… je ne m’étais jamais posé la question…Mais naturellement, j’ai répondu oui.

Pourquoi ? Et bien tout simplement parce qu’il s’agit d’une expérience qui concerne un être humain et qu’il a tous les droits, comme n’importe qui mourant de maladie ou de vieillesse, d’être accompagné pour effectuer ce passage important de son existence.

Récemment, j’ai écouté une entrevue de Louise Deschâtelets, qui racontait son expérience d’avoir été demandé au chevet de sa belle-sœur qui avait choisi l’aide médicale à mourir pour terminer ses jours. Elle a elle-même été prise par surprise car elle ne souhaitait pas vraiment être présente, mais puisque c’était un moment intime et qu’elle y avait été invitée, elle ne se sentait pas le droit de refuser ce dernier souhait à sa belle-sœur.

Son témoignage m’a bouleversé. Louise Deschâtelets n’accompagne pas les gens en fin de vie dans son quotidien, mais l’expérience qu’elle a vécue ce jour-là a été marquante. La description qu’elle faisait des derniers moments, étaient exactement, ce que la plupart du temps je peux observer au chevet des gens dont le temps est compté : un visage serein, les rides estompés, un calme apparent…

Cela m’a apaisé face à l’aide médicale à mourir. Elle racontait qu’ils avaient tous été très bien informés de chacune des étapes, ont pu exprimer ce qu’ils vivaient chacun de leurs côtés, mais que de la voir si sereine juste avant la mort et au moment de la mort, l’avait grandement touché.

Sa façon d’en parler était aussi, comme lorsque je raconte ces épisodes de mon parcours…elle en parlait avec grandeur, une sorte d’émerveillement et de ravissement…profondément touchée par l’expérience, elle qui ne s’est pas gêné pour dire qu’elle avait peur de la mort.

J’ai réalisé que peu importe le moyen utilisé ou la façon dont la mort arrive (je ne parle pas bien sûr ici d’accidents, de morts violentes ou de suicides…), la personne qui en vit l’expérience et qui accueille ce qui est, peut tout à fait ressentir le même apaisement lorsque la vie se termine.

Hélène Giroux

Des détails qui n’en sont pas

Écrit pour le magazine web, « Le portail zen ».
Mars 2017

En décembre dernier, j’ai vécu un accompagnement hors de l’ordinaire; une dame allemande, anglophone, veuve, sans enfant et dont les quelques membres de la famille habitaient à l’étranger.

Ma présence auprès d’elle était donc devenue une grande source de réconfort, non seulement pour elle personnellement, mais pour la famille trop éloignée pour assurer une présence continue, bien que sa condition se détériorait rapidement.

Le soir de son décès, je me suis retrouvée seule à son chevet. J’ai l’habitude auprès d’une personne qui vient de décéder, de faire une toilette au corps, pour redonner à cette personne un peu de dignité, avant le départ pour le salon funéraire.

Durant l’accompagnement, la famille et moi avions pris l’habitude d’échanger régulièrement sur Skype et je savais que ce soir-là n’y manquerait pas non plus. Je savais aussi que cette dame serait incinéré et que ce dernier moment d’au-revoir pourrait à lui seul transformer pour eux toute l’expérience, car difficile de vivre un décès à distance et de ne plus revoir le corps par la suite.

Ce moment de soin au corps peut sembler macabre, pour qui ne l’a jamais vécu… mais c’est en fait un moment sacré dans le parcours de cette expérience et que je trouve fort important. Un moment où on prend vraiment le temps de s’arrêter. J’ai mis de la belle musique, ai choisi des vêtements, ai préparé tout ce dont j’avais besoin pour ce rituel.

Je souhaitais offrir à la famille, une image beaucoup plus sereine, qu’uniquement celui du dernier souffle. J’avoue ce soir-là m’être moi-même dépassée… Elle était tellement belle et son visage était si serein que le personnel venait à tour de rôle dans la chambre constater par eux-mêmes le résultat, tout en lui faisant leurs adieux.

Comme le médecin ne pouvait venir que le lendemain matin authentifier le décès, j’ai passé la nuit auprès du corps avec des bougies et de la musique et ai répondu à de nombreux appels de proches qui avaient appris la nouvelle de son décès. La magie de Skype a permis que je puisse installer le portable, de sorte qu’à tour de rôle, chacun d’eux a pu la voir une dernière fois et lui faire ses adieux.

Moments bien sûr très touchants et très intimes, bien que la plupart lui parlait en allemand et donc que j n’ai pu saisir ce qu’il se disait. Je pouvais toutefois sentir dans leur voix et leur énergie toute leur tristesse et leur affection aussi.

Choisir de côtoyer la mort

J’ai choisi comme travail d’accompagner des mourants qui souhaitent terminer leurs jours à la maison. La plupart des gens que je croise sur ma route me demandent pourquoi. Pourquoi œuvrer dans cette sphère d’activité chargée d’émotions de toutes sortes ? La réponse est bien simple en fait : j’aime l’être humain. Je crois que chaque personne possède ses richesses intérieures propres, ce qui en fait une personne unique. Cette rareté invite d’autant plus à « prendre soin », à chérir et à exprimer de la gratitude pour avoir le bonheur de cette proximité avec l’autre… du cadeau de sa vie.

Chaque personne que j’accompagne et chaque famille qui entoure ce malade m’enrichit de cette unicité. Et même lorsqu’il y a des situations plus difficiles, je ressors toujours grandie de ces expériences, car accompagner des mourants, c’est un exercice quotidien de cheminement personnel, de questionnement, de prise de conscience sur le sens même de ma propre existence.

Il faut dire que les émotions que je ressens à leur contact sont très différentes de ce qu’éprouvent la plupart des gens à la perte d’un des leurs. Bien que j’aie développé des liens avec le malade, je ne partage pas avec ce dernier le même attachement émotif que celui de ses proches et qui rend leur deuil si difficile.

La mort fait partie de la vie, nous le savons tous intellectuellement… mais peu de gens acceptent cette idée que la vie a une fin. La réalité toutefois, c’est que la mort nous attend tous à notre heure et cela sans exception. Nous verrons des gens mourir autour de nous, nous perdrons des proches et notre propre vie se terminera elle aussi, la vie poursuivant sa route pour ceux et celles dont l’heure n’est pas encore arrivée.

Un tabou qui persiste

Je suis toujours surprise de constater que bien que la notion de finitude fasse partie intégrante de notre parcours ici bas, la mort continue encore d’être un sujet tabou ; peu de gens osent échanger sur le sujet ou aborder franchement la question. On a tendance à ne voir dans la mort que les aspects négatifs. Je vois les choses différemment. Oui il y des aspects difficiles : la déchéance physique, la dépendance, la souffrance… Mais il faut admettre que ces bouleversements font aussi partie de l’expérience, de cette étape finale de la vie.

La tristesse sera toujours présente lorsqu’un proche quittera cette vie, mais cela fait également partie de l’expérience. Je reconnais que la vie est une suite de pertes et de lâcher-prise, mais que c’est également ce qui lui donne toute sa saveur. Je conçois que s’attacher et créer des liens veut aussi dire risquer de perdre, mais mieux vaut avoir connu et perdu que de ne pas avoir goûté à tous ces bonheurs. Prendre conscience que cette réalité se produira un jour ou même demain, devrait en fait nous amener à vivre davantage dans l’instant présent et à chérir ce que nous avons aujourd’hui.

Apprendre qu’une personne chère se prépare à franchir cette étape finale permet, pour un moment, d’arrêter quelque peu le tourbillon de la vie pour se consacrer à l’essentiel : l’amour ou l’affection que nous portons à cette personne. Dommage toutefois que nous devions attendre un tel bouleversement pour réaliser à quel point la vie est fragile. Lorsqu’on tient les choses ou les gens pour acquis, on arrive à en oublier ce qui les rend aussi précieux à nos yeux.

Lorsque les patients que j’accompagne décèdent, je conserve précieusement dans mon coeur tous les petits bonheurs et les instants privilégiés que nous avons partagés et qui ont enrichi ma vie, peu importe le temps qui nous fut donné. Ce sont des moments que même la mort ne peut m’enlever, car ils resteront gravés dans ma mémoire comme d’inestimables présents.

Le plus beau cadeau que j’ai reçu en accompagnant, c’est étrangement de me sentir plus vivante encore et de chérir cette vie qui est mienne maintenant. Il peut paraître étrange de constater que ce sont les mourants qui enseignent à mieux vivre, mais difficile de ne pas se sentir interpellée par leur authenticité et leur lucidité face au bilan qu’ils font de leur parcours terrestre.

La mort se prépare

J’ai appris également une autre leçon très importante : la mort se prépare. Comment? Simplement en profitant du temps présent. Si je m’accomplis comme personne, si je développe mes forces, si je nourris mes passions, si je réalise mes rêves, si j’apprends de mes erreurs, si j’entretiens des rapports authentiques avec les gens que je croise sur ma route, si je sème l’amour partout sur mon passage… mourir ne pourra que se vivre différemment, comblée et heureuse d’avoir accompli ma mission de vie. Cette riche leçon d’une simplicité désarmante est devenue mon leitmotiv.

Mourir est notre destinée à chacun et celle-ci est inscrite depuis notre premier jour de vie sur terre. À cela on n’y peut rien. Mais on peut par contre choisir comment on voudra vivre cette vie et l’influence qu’elle aura sur celle d’autrui, à travers notre expérience. Modifier cette façon de regarder les choses pourrait changer notre vision de la dernière étape de notre parcours, mais plus encore du temps qui nous est donné de laisser notre trace en ce monde.

Une expérience à partager

Je me sens interpellée à briser des barrières en regard à cette réalité de la mort dans notre existence. Parce que j’ai le privilège d’accompagner, j’ai l’opportunité d’être confrontée à toutes ces questions dans mon quotidien.

Nous aurions tous intérêt comme mortel à ne pas fuir cette situation lorsqu’elle se présente sur notre route, mais plutôt à ouvrir cette porte vers l’inconnu, même si cela est difficile et exigeant. Pour l’avoir expérimentée à maintes reprises, je peux affirmer que malgré la tristesse, des cadeaux précieux nous sont offerts, modifiant considérablement notre vision de la vie par la suite.

Au même titre que la naissance, la mort fait partie d’une étape charnière et tout aussi sacrée de notre existence. Je suis convaincue que notre raison d’être ici bas c’est l’amour, mais aimer c’est également apprendre à se détacher, ce qui ne signifie pas oublier… car l’amour lui ne meurt jamais.

Par Hélène Giroux
www.findevie.jimdo.com
hegir@hotmail.com
Publié dans la revue Profil

Chacun son rythme

Le mois d’août est un temps de l’année pour les recommencements : le retour à l’école est à nos portes avec de nouveaux enseignants, parfois une nouvelle école, les vacances se terminent pour une bonne partie d’entre nous, le travail occupant désormais une plus grande place dans notre quotidien, on cherche une activité d’intérêt où s’inscrire le soir, les émissions de télé reprennent leur horaire régulier…

Mais peut-être aussi de nombreuses personnes ont-elles perdus un proche durant la période estivale ; décès brutal à la suite d’un accident, d’un suicide ou en  lien avec une maladie ayant détériorée l’état de santé…quoi qu’il en soit, un décès est toujours un événement bouleversant à vivre au quotidien et qui chambarde les vies de plusieurs personnes de l’entourage.

Avec l’arrivée imminente de l’automne, saison d’introspection et de ménage intérieur par excellence, cet événement amènera possiblement son lot de réflexions, de questionnement et d’émotions à vivre dans les prochains mois. Et comme il y a autant d’histoires qu’il y a d’êtres humains sur terre, chacun vivra les choses à sa manière et à son rythme.

Le chagrin des autres dérange car nous nous sentons bien souvent démunis face à  leur peine et ne savons trop comment nous comporter dans cette situation. Nous voudrions bien, comme lorsqu’un petit enfant se fait mal, pouvoir leur offrir un câlin qui effacera toute leur tristesse…mais un deuil doit se vivre un jour à la fois. Parfois dans la solitude, les pleurs, le retranchement…d’autres jours avec leurs proches, dans des souvenirs plus joyeux ou l’écoute attentive d’un bon ami supportant.

Les deuils quels qu’ils soient, font intrinsèquement partie de notre parcours terrestre et nous ne pouvons les éviter, car ils sont aussi riches d’enseignements pour notre évolution. Si vous êtes celui ou celle qui le vivez, ne tentez pas d’accélérer le processus pour rassurer votre entourage, mais permettez-vous d’exprimer librement ce que vous ressentez à des personnes de confiance, qui ne craindront pas vos larmes et qui sauront vous réconforter de leur chaleureuse présence, sans vous conseiller.

Et si vous êtes celui qui offrez ce réconfort, ne tentez pas d’éteindre cette tristesse qui cherche à s’affirmer, ne tenter pas à tout prix de consoler ou de dire des phrases toutes faites et sans signification pour l’autre… soyez simplement présent avec toute votre écoute, votre chaleur humaine, votre regard empathique, votre sourire et vos câlins…et parfois dans le silence…vous ferez bien plus de bien que vous ne le croyez.

Hélène Giroux
Accompagnatrice
Article écrit en août 2016

Réflexion: gagner ou perdre sa bataille…

Cet article se veut une réflexion.

De celle que je me sens interpellée à mettre en lumière…que je souhaite profondément voir se transformer…et pour laquelle j’émets le désir d’une importante prise de conscience.

Les mots, qu’on le réalise ou non, ont un impact profond sur nos perceptions, nos réactions, sur notre état d’être aussi. Lorsque utilisés de façon automatique, sans y être vraiment attentif, ces mots en apparence banals, peuvent parfois causer des blessures dont on n’a même pas idée. C’est pourquoi il importe de s’y arrêter…

Combien de fois entendons-nous ces expressions spontanées lorsqu’il est question d’une problématique de cancer : « Il a perdu sa bataille », « Elle a gagné son combat » ou encore « Se battre contre le cancer »….Ces phrases en apparence anodines lors de tels contextes, ont par contre une grande portée psychologique pour laquelle il est nécessaire de s’interroger.

J’avoue que j’ai toujours ressentie un grand malaise en les entendant, bien que je ne fusse pas personnellement concernée. Le cancer n’est ni une bataille, ni un combat et encore moins un appel à la guerre, même si celui-ci met le corps et l’esprit à rude épreuve…c’est une expérience qui arrive tout simplement. Une expérience que personne ne mérite, que personne n’a choisi non plus…le cancer ne fait pas de discrimination.

La notion de bataille crée des résistances et exprime même inconsciemment, qu’il doit nécessairement y avoir un gagnant et un perdant. Dans notre société de productivité et de compétition, se battre montre une image de pouvoir, de volonté, d’audace, de courage et de détermination qui suscite une forme d’admiration.

Cette vision erronée dans un tel contexte, offre peu de choix à la personne qui en est atteinte. Si elle choisit par exemple de refuser le processus des traitements qu’on lui propose, elle est perçue comme lâcheuse, non combative, voire même égoïste.

Certaines personnes s’en remettront…d’autres feront des récidives, d’autres aussi en mourront…mais est-ce parce que ces dernières n’ont pas aussi souhaités de tout cœur en guérir ? Ou parce qu’elles n’ont pas fait assez d’efforts pour se « battre » ? Parce qu’elles ont manqué de courage, de volonté ou de détermination ? Ne pas « gagner » est automatiquement associé au mot « échec ».

Dans notre société, ne pas résister, se laisser-aller, même accepter de vivre une telle situation en mettant de côté les résistances n’est pas bien vu. Mourir l’est encore moins. Et ce sentiment d’échec ou d’injustice peut aussi se vivre chez les proches qui restent, et nuire au processus du deuil.

Nous oublions que l’âme est venue explorer toutes sortes d’expériences à travers son parcours terrestre; la maladie en fait partie, la mort aussi. En expérimentant ces situations, elle apprend, évolue et permet à ceux et celles qui les côtoient de faire aussi des pas dans leur cheminement.

Saviez-vous qu’il est possible de mourir guéri ? J’ai personnellement connue plusieurs personnes qui sont mortes guéries. Eh oui c’est possible. Le corps physique lâche car il n’est plus nécessaire, mais l’âme elle, a retiré de précieuses leçons qui lui dictent avoir accompli sa destinée ici-bas. Elle peut donc retourner « à la maison ».

Que les gens meurent ou non à la suite d’un processus de maladie, n’est donc pas une question de courage et de volonté, mais d’étapes de transformation individuelle de l’âme. Toutes elles ont évoluées, qu’elles restent ou qu’elles quittent.

Voici donc une invitation à transformer votre vision de ce cheminement particulier, pour permettre à chaque personne qui la vit de ne pas sentir cette pression de performance que de telles expressions obligent.

Nous évoluerons ainsi comme société à devenir plus conscients et à accepter que chaque personne et chaque âme a son propre chemin d’évolution….Accompagnons cette personne là où elle doit aller, pas là où nous souhaiterions qu’elle aille…..

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière et officiante funéraire
Article écrit en février 2017

Faire une différence

Peut-on penser que dans un contexte de fin de vie, qu’il soit encore possible de faire une différence pour l’autre à travers le quotidien ? La mort est tellement un sujet tabou que cela nous semble pratiquement impossible, voire illusoire, car ces moments où la vie s’achève sont davantage perçus comme déprimants et inutiles. Mais c’est oublier que tant qu’il y a un souffle, la vie est encore présente.

Ce regard sur l’autre peut avoir un impact réel dans l’expérience de chacune des personnes concernées. On dit souvent « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ». L’espoir de quoi me direz-vous ? Non, pas celui de la guérison ou de changer le cours des choses…mais plutôt celui de pouvoir encore préserver avec l’autre cette connexion intime qui nous relie à la vie.

Et ne croyez pas que vous deviez poser des gestes extraordinaires…je dirais même qu’ici, la moindre petite chose devient précieuse; comme par exemple de partager un souvenir commun, de faire sourire le temps de quelques instants, d’apporter une petite gâterie que l’autre aimait particulièrement ou bien simplement d’offrir une présence chaleureuse.

Il s’agira peut-être aussi d’un regard rempli de compassion, de tendresse ou d’affection, mais qui offrira à l’autre le sentiment profond d’être encore quelqu’un, de se trouver toujours dans la vie, lié à ceux et celles qui l’entourent. Et que dire d’un toucher tendre et délicat qu’on utilise tout naturellement quand il s’agit d’un nouveau-né, mais dont on ignore les bienfaits instantanés chez celui que l’inconnu effraie.

Et quand la parole et le contact visuel ne sont plus possibles, que peut-on faire alors sinon se sentir inutiles et démunis…. C’est oublier qu’il reste encore le puissant pouvoir d’une présence consciente et remplie de chaleur humaine et d’affection, qui aura la capacité, même de manière invisible, d’apaiser l’atmosphère et de rayonner sur l’autre qui prépare son départ.

Oui, il est encore possible de faire cette différence.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit en août 2016

Accompagner dans la période des fêtes

La période des fêtes est habituellement un moment de réjouissances, de célébrations, de réunions de famille, de rires et de joies. Est-ce possible de traverser ce temps de l’année dans la sérénité si nous accompagnons un proche qui se prépare à mourir? De ne pas garder que de mauvais souvenirs qui feront de tous les autres Noël des moments difficiles à vivre ?

J’y crois…mais cela dépend beaucoup de notre façon de regarder la situation, de notre attitude dans les circonstances. Nous ne pouvons rien changer à ce qui arrive, mais pourquoi ne pas utiliser sa créativité pour créer des moments authentiques qui resteront gravés pendant cette étape, mais aussi après le décès. Le temps des Fêtes est surtout devenu au fil des ans, une période de stress, de consommation et les valeurs profondes ont malheureusement perdues leur signification.

Vous avez cette opportunité auprès de votre proche ou d’un malade dont vous avez soin, de remettre ces valeurs à la bonne place. Une présence aimante et réconfortante est bien plus précieuse qu’un présent offert et l’occasion vous est donnée de vous retrouver auprès du malade et de lui transmettre tout l’amour que vous éprouvez à son égard, de passer du temps de qualité à son chevet.

Si c’est encore possible, demandez-lui ce qui lui ferait plaisir; un petit sapin dans sa chambre, un chocolat chaud, écouter de la musique, un biscuit fait maison, un plat qu’il aime particulièrement, un film qu’il affectionne, regarder la neige tomber par la fenêtre…..Et pourquoi ne pas chanter ensemble des cantiques qui lui rappelleront de beaux souvenirs…Les émotions de joie et de plaisir semblent être inappropriées  dans un tel contexte, mais ces temps d’arrêts dans le cours de la maladie sont très salutaires pour chacun pour la suite des choses. Le film « Oscar et la dame Rose » nous propose à cet effet une très belle réflexion qui vous inspirera assurément à retirer du positif de chaque situation.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit en déc.2015