Faire une différence

Peut-on penser que dans un contexte de fin de vie, qu’il soit encore possible de faire une différence pour l’autre à travers le quotidien ? La mort est tellement un sujet tabou que cela nous semble pratiquement impossible, voire illusoire, car ces moments où la vie s’achève sont davantage perçus comme déprimants et inutiles. Mais c’est oublier que tant qu’il y a un souffle, la vie est encore présente.

Ce regard sur l’autre peut avoir un impact réel dans l’expérience de chacune des personnes concernées. On dit souvent « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ». L’espoir de quoi me direz-vous ? Non, pas celui de la guérison ou de changer le cours des choses…mais plutôt celui de pouvoir encore préserver avec l’autre cette connexion intime qui nous relie à la vie.

Et ne croyez pas que vous deviez poser des gestes extraordinaires…je dirais même qu’ici, la moindre petite chose devient précieuse; comme par exemple de partager un souvenir commun, de faire sourire le temps de quelques instants, d’apporter une petite gâterie que l’autre aimait particulièrement ou bien simplement d’offrir une présence chaleureuse.

Il s’agira peut-être aussi d’un regard rempli de compassion, de tendresse ou d’affection, mais qui offrira à l’autre le sentiment profond d’être encore quelqu’un, de se trouver toujours dans la vie, lié à ceux et celles qui l’entourent. Et que dire d’un toucher tendre et délicat qu’on utilise tout naturellement quand il s’agit d’un nouveau-né, mais dont on ignore les bienfaits instantanés chez celui que l’inconnu effraie.

Et quand la parole et le contact visuel ne sont plus possibles, que peut-on faire alors sinon se sentir inutiles et démunis…. C’est oublier qu’il reste encore le puissant pouvoir d’une présence consciente et remplie de chaleur humaine et d’affection, qui aura la capacité, même de manière invisible, d’apaiser l’atmosphère et de rayonner sur l’autre qui prépare son départ.

Oui, il est encore possible de faire cette différence.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit en août 2016

Qu’est-ce qu’un bon accompagnement ?

Cet article de juin se veut une suite, à l’histoire malheureusement bien véridique, d’une tante que j’aime beaucoup et qui s’est jeté en bas d’un viaduc, espérant mettre fin à ses jours, mais qui se retrouve plutôt presque immobile dans un lit d’hôpital et une chambre à 4.

Cette nouvelle a grandement bouleversé tout mon entourage, mais je réalise aussi que cette bien triste réalité de sa survie, provoque aussi son lot de malaises et d’inconfort : elle sait qu’elle est encore parmi nous et nous savons désormais qu’elle a voulu attenter à ses jours, qu’elle n’est pas heureuse….

Que dit-on à une personne qui a délibérément choisi de s’enlever la vie et dont la situation est pire encore que celle qui l’a amené à ce choix ?  Même si je crois que l’âme choisit ses expériences d’évolution, celle-là, j’avoue que je ne la trouve pas évidente….

Le malaise est tout aussi présent chez le personnel, qui maladroitement évite le sujet et l’invite avec insistance à manger pour prendre des forces,  alors qu’elle ne veut toujours pas vivre et que la nourriture n’a pour l’instant aucun intérêt pour elle. Il y a peu de choses à dire à une personne qui nous partage, « Comment ai-je pu rater mon coup? » ou encore à la question « Peuvent-ils me nourrir contre mon gré ? »….

J’ai tout de même choisi d’aller la visiter et de la supporter dans cette épreuve, car accompagner demeure encore, suivre le rythme de l’autre, ne pas le bousculer, lui faire la morale ou lui donner de leçons ou des conseils inappropriés.

J’avoue que cette situation me fait vivre toute sorte de questionnements, dont je n’ai pas nécessairement les réponses. Et accompagner, c’est aussi, même dans une telle situation, parfois garder silence et juste tenir la main, écouter, regarder la personne avec dignité et compassion et surtout éviter les phrases toutes faites et sans signification, qui pourraient même devenir indécente dans un tel contexte.

Accompagner ce n’est pas non plus me donner comme mission de la sauver, ni même de tenter de lui redonner goût à la vie…ça viendra si c’est ce qu’elle doit vivre. Ce choix ne m’appartient pas, car il y a aussi le respect du chemin de l’autre, au-delà de mes valeurs et de mes propres convictions sur le sens de la vie.

Accompagner, c’est permettre à l’autre de pouvoir s’exprimer ouvertement sans crainte de jugement. Être compris ne veut pas dire trouver pour l’autre des solutions, mais simplement lui offrir cette qualité de présence et d’écoute qui lui donneront à tout le moins le sentiment d’être entendu dans sa douleur.

Hélène Giroux
Accompagnatrice , auteure, conférencière
Écrit en juin 2016

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Le mourant et le coma

Le processus de la mort comprend toute une série d’étapes que l’on peut observer au fil du quotidien, mais pour la plupart des gens, elles sont inconnues et donc effraient. Voilà bien toute l’importance de les démystifier.

Lorsque que la maladie a passablement gagnée du terrain et que la mort se rapproche, on peut souvent observer que le malade entre dans une période de coma, qui peut durer plusieurs jours, parfois même plus longtemps. Ce moment où la communication, telle qu’on la connait, n’est plus possible est souvent très déstabilisant, et lorsqu’elle s’étire, les proches, épuisés et émotifs, ressentent de l’impatience et de l’incompréhension.

Il est important de savoir que tout ce qui se vit est significatif …même le coma. Le temps est désormais compté en jours et c’est une étape transitoire où le malade effectue des allers-retours entre ici et l’au-delà, avant le grand départ. Le temps que cela prend est très personnel à chacun et nul n’en connait vraiment la raison. Mais c’est l’âme qui déterminera le moment où elle est prête à quitter les siens.

De nombreuses expériences dans cette situation ont démontrées qu’un malade dans le coma entend tout ce qui se passe, même s’il ne peut communiquer. Raison de plus pour y être attentif, pour utiliser le temps qui reste encore à signifier à cette personne combien nous l’aimons, ce que sa présence nous a apportée, peut-être aussi une belle opportunité de simplement être une présence significative à ses côtés ou encore de demander pardon…qui sait ce que ces moments d’intimité apporteront à toutes les personnes concernées.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit en nov.2015

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Comment se trouver auprès d’un proche mourant

Voilà bien une réalité qui nous dépasse…celle où l’un de nos proches doit quitter cette vie. Comment ne pas se sentir impuissant à leur chevet, maladroit même dans les gestes ou les paroles, démuni devant ce qui semble être irréel…..Qui n’a pas ressenti un jour ces émotions auprès d’un proche mourant ?

Peu d’entre nous sommes vraiment préparé à vivre un tel moment avec un être cher et les questions sont parfois nombreuses après le décès à savoir si l’on a fait tout ce qu’il fallait pour bien les accompagner. Il importe donc de savoir avant toute chose, que l’amour ou l’affection que vous éprouvez pour cette personne est l’outil le plus efficace.

Quand on aime, on agit avec toutes les bonnes intentions du monde et en ce sens, on ne peut faire d’erreurs…des maladresses peut-être, mais bien involontairement. Il est nécessaire d’être bon envers soi-même, car cela n’aide en rien le malade de s’abaisser ou de se juger. Soyez simplement disponibles pour cette personne et attentifs à ses besoins qui varient énormément au fil de son quotidien à travers les étapes de la maladie terminale.

Demandez-lui ce qu’elle désire et soyez respectueux de ses choix. N’oubliez pas que cette personne demeure vivante jusqu’au dernier souffle et qu’en ce sens, il est encore possible d’avoir de bons moments ensemble, ne serait-ce que dans le silence et une présence réconfortante.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Écrit en oct. 2015

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Profession: accompagner les mourants

Quel étrange métier me diront certains !

On croit à tort que côtoyer la mort doit être fort déprimant et qu’une personne la moindrement intelligente ne choisirait pas un tel travail dans le quotidien. En fait il ne s’agit pas d’un travail mais d’une vocation, car il est question ici de l’humain. Et je ne crois pas non plus qu’on choisisse ce métier…cela vient d’un appel intérieur et demande tout de même un certain vécu pour s’y sentir à l’aise.

Beaucoup de gens, à moins d’être confronté à une telle situation…et encore….ignore même qu’il existe des gens, tout comme je le fais, qui font ce métier et qu’il est possible d’être accompagné dans de telles circonstances. Il faut savoir qu’il existe plusieurs possibilités aujourd’hui pour terminer ses jours. Certaines personnes se retrouvent dans un hôpital, d’autres dans des maisons spécialisées comme il en existe plusieurs au Québec ou encore ont le désir de mourir à la maison, entouré de leurs proches, dans un environnement qui leur est familier. C’est principalement là que j’œuvre dans le cours de mon travail.

Accompagner, c’est avant tout assurer une présence chaleureuse et sécurisante auprès du malade et de ses proches. Cela nécessite d’entrer dans leur intimité, dans un espace sacré et très personnel. Mais tous ont tellement besoin à ce moment qu’il est rare que le contact ne soit pas positif. La chaleur humaine, le respect de la dignité et des valeurs de chacun sont des qualités primordiales dans ce métier. Le patient se trouve alors dans ce que l’on appelle les soins palliatifs. Il n’est pas abandonné par le système médical, mais on ne parle plus ici de guérir, mais plutôt de rendre confortable. Le patient reçoit donc tout ce qui peut répondre à ce besoin, que ce soit en équipement, en soins, en médicaments. Et comme accompagnatrice, je peux répondre à tout cela dans son quotidien, les priorités étant de lui offrir de l’aide physique, psychologique et spirituelle. Son pronostic est d’habituellement moins de 2 mois.

Je sais donc pertinemment à quoi m’attendre et ce que sont les objectifs de mon travail. Nul surprise alors au moment du décès. Je connais bien les signes qui m’indiquent que la fin se rapprochent et ils me servent de guides pour évaluer la situation, répondre aux besoins du patient et préparer la famille à ce qui s’en vient. Le but principal des soins palliatifs est de donner une certaine qualité de vie au temps qui reste et bien que ce soit difficile à imaginer, il y a encore dans cette étape de vie des moments d’humanité extraordinaires ! Lorsque le patient décède, j’ai davantage la satisfaction d’avoir pu faire une différence dans ce bout de chemin difficile d’accès pour la plupart d’entre nous.

Malgré la tristesse de perdre un proche, la plupart des gens pour lesquels j’ai ainsi accompagné un proche, ont à l’unanimité exprimé à quel point cette expérience avait été formatrice. Tous en sortent positivement bouleversés, voyant la mort autrement, l’ayant quelque peu apprivoisée. Cela change considérablement leur vision des choses et est souvent transformatrice pour leur propre parcours. Bien des préjugés tombent, des peurs s’atténuent considérablement.

Quant à moi je suis toujours émerveillée de constater à quel  point l’humain est d’une richesse intérieure incroyable, car au delà de leur corps détérioré, c’est davantage à l’âme que je touche…et de cela je me sens extrêmement privilégiée.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure et conférencière
Écrit pour le blog de Thibault, mars 2013

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hegir@hotmail.com

« Le privilège d’accompagner….choisir de côtoyer la mort », aux Éditions La Plume D’Oie
Mai 2012 (disponible par l’auteure)

Les derniers moments de la vie…..

J’ai le grand privilège d’accompagner des gens dont il ne reste que peu de temps à vivre…la plupart atteints de cancer à la phase terminale.

Bien que cette étape de vie soit troublante et difficile à envisager pour la majorité, j’ai volontairement choisi d’y œuvrer, de côtoyer la mort tous les jours.

Loin de me sentir déprimée, accompagner les mourants m’a permis de me sentir plus vivante encore, de relativiser les difficultés du quotidien,  d’entretenir des rapports plus significatifs avec les gens qui croisent ma route.

La vocation d’accompagner les mourants n’est pas connue et mériterait d’être soutenue et encouragée, car elle se révèle une aide inestimable pour les malades et leurs proches grandement affectés par cette réalité. Au chevet de ces familles bouleversées, le calme et la sérénité que je dégage leur permet déjà de se sentir en confiance et épaulée, dès les premières approches.

Mes formations et l’expérience acquise auprès des nombreuses personnes en fin de vie que j’ai côtoyée, me donnent les outils nécessaires dont ils ont besoin, pour leur permettre de mieux se préparer aux étapes à venir à travers le processus de fin de vie, ce qui est très rassurant.

Se sentant ainsi épaulées, elles arrivent à cheminer suffisamment pour qu’après le décès, l’expérience s’avère formatrice, malgré la tristesse d’avoir perdu une personne chère, ce qui bien souvent modifie même leur vision de la mort par la suite.

Il faut dire que je m’investis suffisamment pour que chaque geste ait un sens, à travers les différentes étapes qui précèdent la mort. Chaque patient est considéré au même titre qu’un membre de ma propre famille;  les attitudes à avoir sont donc toutes naturelles et empreintes d’empathie, de tendresse et de respect.

Être présente lorsque survient le décès est pour moi le plus beau cadeau, car ce moment du parcours humain est sacré et chargé d’enseignements. C’est également un moment éprouvant pour les proches qui se sentent bien souvent démunis face à la vie qui quitte le corps. Être à leur chevet à cet instant donne donc tout son sens à l’accompagnement.

Le décès ne signifie toutefois pas que mon travail est terminé. Je sais par expérience que même bien préparé, le choc est alors grand et les repères absents. Je veille donc à prévenir le CLSC pour qu’un médecin vienne authentifier le décès et m’occupe également d’aviser le salon funéraire pour planifier le moment où le corps sera récupéré. Ces démarches sont lourdes pour les familles et m’occuper de ces aspects les libèrent grandement.

J’offre ensuite de faire une toilette à la personne décédée et de la vêtir selon les désirs de la famille, pour son départ vers le salon. Ces gestes peuvent sembler anodins, voir même étranges pour certains, mais ils sont toujours très appréciés des familles. S’occuper encore du corps à ce moment permet d’exprimer à la personne aimée, toute l’affection et le respect qu’on lui portait, mais également d’honorer cette vie qui fut sienne.

S’ils le désirent, j’offre aux proches de participer à ce rituel. Ce moment sans temps permet d’offrir encore, tendresse et affection à la personne qu’ils ont connue et de déjà commencer le travail du deuil en prenant conscience de la réalité du décès. Loin d’être macabre, ce moment est vécu chaque fois avec beaucoup de dignité et de douceur.

Il m’arrive assez souvent toutefois, d’effectuer cette tâche seule. Je m’assure que les vêtements choisis soient significatifs pour les proches, ne serais-ce qu’un pyjama confortable que le parent aimait porter. Je fais la barbe si c’est un homme, coiffe les cheveux, parfume le corps si tel est le désir.

Je replace ensuite les couvertures et le corps de façon à laisser une meilleure image de ces derniers instants et libère la chambre de tout le matériel médical, inhabituel dans cet espace qu’est le domicile.

Puis, j’invite la famille à revenir au chevet de la personne décédée et leur suggère de faire les au-revoir, de dire ce qui n’a peut-être pas été dit avant la mort. Un décès à la maison permet fort heureusement de prendre tout le temps nécessaire à ce rituel préparatoire au départ du corps.  Chaque membre de la famille a son vécu avec cette personne et ce moment est fait dans l’intimité pour chacun.

C’est toujours un temps très significatif et marquant pour les proches, mais pas d’une façon négative, comme on pourrait le croire. C’est davantage un espace d’apaisement, où le visage éteint est détendu, libéré de sa souffrance et où l’attente interminable des derniers instants est terminée.

J’attends ensuite les représentants du salon que j’aide dans le déplacement du corps, prenant soin de leur demander de ne pas fermer entièrement la fermeture éclair et de laisser dans l’enveloppe de transport, la tête à découvert.

Ce détail est d’une grande importance auprès des familles et il est primordial de faire respecter cette demande, ce qui permet à la famille d’embrasser le front ou de caresser les cheveux lors du départ final, moment toujours important, même s’il est éprouvant pour chacun.

J’ai pris soin avant de quitter la maison, de refaire le lit et d’y déposer une fleur, naturelle ou artificielle, presque toujours présente à la maison dans ces moments. Certains salons ont également cette délicatesse, lorsqu’ils viennent récupérer le corps.

C’est incroyable comment cette attention touche les familles, car immanquablement, ils reviendront dans la chambre pour confirmer qu’ils n’ont pas rêvés et que le décès s’est vraiment produit. Cette dernière image est un baume qui amorce en douceur le long travail du deuil.

Je leur fait un dernier câlin et reviens chez moi le cœur rempli de gratitude, pour avoir eu le privilège de vivre ces moments uniques, d’avoir eu accès à une partie de ce grand mystère qu’est la mort, mais également en ayant la certitude au plus profond de mon âme, que ma présence a fait ici une grande différence.

Hélène Giroux
Accompagnatrice, auteure, conférencière
Article pour le blog de Lynne Pion, la référence en matière de deuil
Janvier 2014

hegir@hotmail.com
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