Bouleversement

La vie est fragile…j’ai beau côtoyer la mort régulièrement dans mon métier, elle arrive encore à me surprendre. Il faut dire que dans mon quotidien, cette mort est attendue et que la cause est également connue : cancer, maladie dégénérative ou parfois vieillesse.

Une tante que j’aime beaucoup a tenté de s’enlever la vie il y a tout juste une semaine, en se jetant du haut d’un viaduc…ça m’a donné tout un choc…surtout qu’on s’était écrit à Pâques. J’ai été tout aussi bouleversée d’apprendre qu’elle avait survécu à cette terrible chute et qu’à sa détresse s’ajouteraient maintenant, une mâchoire, des chevilles et une colonne, fracturés à plusieurs endroits.

Dans le coma après la chute et dans l’incertitude de savoir si elle survivrait, j’ai ressenti l’urgence d’aller la voir pour l’assurer de ma présence chaleureuse et lui transmettre mon énergie d’amour…il n’y avait pas vraiment d’autre chose à faire.

J’ai subi un 2e choc en constatant qu’elle était sortie du coma et qu’elle savait désormais qu’elle avait raté sa tentative, avec tout ce que ça impliquait physiquement et psychologiquement. J’ai perçu sa détresse et son désarroi…j’ai touché au cœur de l’humain dans sa plus grande fragilité.

Elle a dit à son frère qu’elle ne souhaitait pas vivre. Le chemin sera long et difficile et j’ai une pensée pour elle tous les jours…. Pourrais-je vous demander d’en avoir une aussi ? On ne pourra jamais donner trop d’amour et je sais qu’elle en aura bien besoin.

Hélène Giroux
Accompagnatrice
Article écrit en mai 2017

Les qualités du cœur

J’ai le goût en ce mois d’avril rempli d’espoir d’un printemps prochain, de vous partager un moment très touchant vécu  avec mon père…Il vient d’être placé en soins prolongés et le choc était grand…son désir de vivre s’éteignait.

Dans la chambre à deux où il est placé, se trouvait une dame de 106 ans, qui vient de décéder partageant la même chambre que son fils lourdement handicapé, désormais seul. Ils habitaient là ensemble, depuis plusieurs années. Mon père remarque qu’il a peine à manger…..

N’écoutant que son grand cœur, mon père qui se trouve en fauteuil roulant (il a été amputé) et malgré son Parkinson qui le fait trembler, se met à le nourrir, doucement et patiemment. L’homme lui sourit et sait qu’il vient de trouver un allier. Qui sait si ce n’est pas la dame de 106 ans qui les a placés ensemble pour redonner un sens à ces deux vies…j’aime y croire.

Et tout à coup très concentré à la tâche, il entend une volée d’applaudissements et d’exclamations…il se retourne et là, au seuil de la porte se trouve les employés qui l’observent avec étonnement et ravissement. Ils n’en reviennent tout simplement pas…c’est le premier matin de mon père dans sa nouvelle habitation.

Mon père s’est mis à pleurer, le cœur rempli de joie d’avoir pu servir encore à quelque chose. En plus d’humaniser cet endroit et d’assurément susciter la réflexion chez un personnel souvent désabusé,  il vient de trouver un nouveau sens à sa vie en aidant plus démuni encore que lui-même. Son geste et la réaction suscitée m’ont émue aux larmes…

Je suis fière de lui et de la résilience qu’il démontre dans le contexte…..la vie est belle malgré ses bas qui nous bouleversent parfois…et je comprends d’où me viennent ces qualités d’empathie et de compassion qui caractérisent les bases de mon métier d’accompagnatrice auprès des personnes en fin de vie…merci papa !

Hélène Giroux
Écrit en avril 2016